Air France et Delta Air Lines lorgnent Heathrow (Edition 2007-44)

Les deux partenaires de SkyTeam ont signé un accord de joint-venture. Objectif: étoffer l’offre transatlantique, notamment au départ de Londres.

Partage des recettes et des coûts, ouverture de nouvelles lignes, développement de l’offre à Heathrow: l’accord de joint-venture signé par Air France et Delta Air Lines marque une nouvelle étape dans le rapprochement entre les deux transporteurs, partenaires depuis 1999 et membres fondateurs de SkyTeam.

L’accord se mettra en place en deux temps. D’avril 2008 à mars 2010, il portera sur les vols transatlantiques sans escale opérés par Air France et Delta entre Roissy, Orly et Lyon d’une part et Atlanta, Cincinnati, New York et Salt Lake City d’autre part, ainsi que sur toutes les liaisons entre Londres-Heathrow et les Etats-Unis.
Puis, à partir d’avril 2010, le périmètre de l’accord sera élargi à toutes les routes transatlantiques d’Air France et de Delta entre l’Europe (bassin méditerranéen inclus) et les Etats-Unis, le Canada et le Mexique. Sans oublier les vols entre Los Angeles et Tahiti.
Les ventes concernées par la joint-venture sont estimées à 1,8 milliard de francs par an durant les deux premières années et à 9,5 milliards par an à partir de 2010. Le résultat avant impôts, selon Delta, devrait
osciller entre 148 et 236 millions de francs dès 2011, ce qui en ferait une opération plus que rentable.

«Le principal enjeu de l’accord est l’accès au marché anglais. L’axe Angleterre– Etats-Unis génère non seulement 50% de tout le trafic transatlantique, mais il se caractérise aussi par un haut niveau tarifaire», confie Bruno Matheu, Executive Vice President Marketing & Network Management chez Air France.
Pas étonnant dès lors que les deux partenaires fassent de Londres la pierre angulaire de leur stratégie. Dès l’entrée en vigueur de l’accord, Air France exploitera un vol entre Heathrow et Los Angeles, tandis que Delta lancera deux vols Heathrow–New York JFK et un vol Heathrow–Atlanta. «Dans cette perspective, Air France réduira de 12 à 8 le nombre de ses fréquences quotidiennes entre Roissy et Heathrow afin de libérer des créneaux horaires», explique Jean-Cyril Spinetta, président-directeur général du groupe Air France KLM.

Sans surprise, ce développement massif à Londres est perçu comme une menace par British Airways et son partenaire American Airlines (voir encadré), d’autant que Delta continuera dans le même temps d’opérer ses deux liaisons quotidiennes entre Gatwick et Atlanta et son vol quotidien entre Gatwick et New York JFK.
L’accord verra aussi l’ouverture de nouvelles lignes entre la France et les Etats-Unis. Ainsi, Delta exploitera deux vols sur New York JFK, l’un au départ de Paris-Orly, l’autre de Lyon, ainsi qu’un troisième entre Roissy et Salt Lake City.

«Vu la forte valeur ajoutée de ces nouvelles liaisons, nous ne croyons pas aux risques de surcapacité. Salt Lake City, par exemple, offre un accès privilégié à un nombre important de villes dans l’ouest des Etats-Unis, tandis que Lyon et sa région bénéficieront de nouveau d’un vol non-stop, après une tentative avortée à la suite du 11 septembre 2001», complète Jean-Cyril Spinetta.

Last but not least: les deux partenaires attendent le feu vert de Washington pour un éventuel accord de joint-venture à quatre avec KLM et Northwest – la réponse devrait tomber d’ici à l’été 2008. Une configuration inédite, véritable casse-tête selon certains, mais qui n’effraie pas les deux hommes forts d’Air France et de Delta: «Signer un accord à quatre est certainement un processus complexe, mais ça l’est déjà à deux. Tout est possible.»

Patrick Claudet, Paris

BA: collaboration plus étroite avec AA?

Partenaire d’American Airlines (AA) au sein de l’alliance OneWorld, British Airways (BA) n’a pas tardé à réagir à la suite de l’annonce de la signature de l’accord de joint-venture entre Air France et Delta Air Lines. «American Airlines est un partenaire de référence pour nous et nous aimerions développer avec eux une collaboration plus étroite sur le long terme», a déclaré un porte-parole de BA à l’agence Reuters.
Selon le Times, le transporteur britannique serait en pourparlers avec l’actionnaire majoritaire de BMI, Sir Michael Bishop, en vue d’un rachat – une information démentie par BA. Une fusion entre BA et AA serait aussi envisagée, même si deux tentatives allant dans ce sens ont déjà échoué.   

PC