Ce qui était impensable à lépoque où Roger Rouvinez (Frantour) et René Keller (Railtour) se regardaient en chiens de faïence deviendra réalité: en Suisse romande, les deux TOs spécialisés vivront bientôt sous un même toit, celui de Frantour. Les circonstances, certes, ont évolué depuis que les deux marques sont dirigées par deux patrons ouverts et quelles sont devenues des filiales de Kuoni. Ce qui nempêche quun certain «je taime moi non plus» reste perceptible.
Les deux TOs ont préféré la voie de la sagesse. Dans un segment (les intervilles) qui ne génère plus du tout les mêmes résultats depuis lavènement des Low Cost, il convenait de le faire. Aussi bien Railtour que Frantour doivent réduire leurs coûts tout en maintenant sur le marché deux marques crédibles et un haut degré de qualité de service. Ce rapprochement est dautant plus aisé que les concurrents dantan ne le sont plus vraiment. Sentant le vent tourner dans les intervilles, les deux ont développé dautres axes à limage du balnéaire pour Frantour (Les sables), des week-ends en amoureux ou des trains daventures pour Railtour.
Cest sans doute vrai quun tel rapprochement des équipes naura pas dinfluence sur le client final ni sur le réseau de distribution: en fonction de ses origines et de sa mentalité, le premier conserve une attirance claire pour lune des deux marques bientôt réunies. Quant au second, il sait que les modèles de commissionnement, cumulés chez les agences agréées Kuoni, ne changeront pas, que Railtour soit à la gare de Lausanne ou à Cornavin.
Alors que Frantour conservera à Zurich une présence physique sur un marché où sa marge de progression est réelle, Railtour y renoncera puisquil ferme Lausanne. Là, une présence active sur le terrain gommera sans doute le déficit dimage que lon peut craindre. Mais ce que lon est en droit de craindre davantage, cest le jeu joué par Kuoni dans ce rapprochement. Kuoni donne sa bénédiction mais ne communique pas. Pour lextérieur, il laisse une grande marge de manuvre à toutes ses filiales en termes de positionnement marketing et de program mation des destinations. A lintérieur, il impose en revanche un diktat peu apprécié pour ce qui concerne la production: venant de tout en haut, lordre a été donné de jouer la carte internationale et dimprimer lensemble des catalogues chez Winkowski, en Pologne. Une décision discutable au plan éthique puisquelle risque de condamner des imprimeries suisses tout en permettant à Kuoni de réaliser des économies de lordre de deux millions deuros. Kuoni reprend donc dune main ce quil donne de lautre.
Dans la conjoncture actuelle, Railtour et Frantour ont sans doute pris la bonne décision: collaborer intelligemment et ne pas se concurrencer stupidement. Car rien nindique que Kuoni ne cherche pas à mettre la pression sur ses deux filiales «ferroviaires» afin de diviser pour mieux régner.