Cédric Diserens à propos des conséquences de l’eruption (Edition 2010-19)

Le nuage de fumée voile les mémoires

Beaucoup s’accordent à dire que le domaine des voyages est merveilleux parce qu’on y apprend sans cesse quelque chose de nouveau. L’éruption d’Eyjafjöll aura montré que tout est encore très loin d’avoir été prévu en matière de règlement. 

Le rapatriement des nombreux voyageurs, qu’ils soient de loisir ou d’affaires, s’est révélé chaotique puisque pour la première fois dans l’histoire du tourisme moderne –même dans l’histoire de l’aviation tout court- il a été possible prendre la mesure de la quantité – pour ne pas dire de la masse – de voyageurs qui empruntent les voies aériennes. «Le malheur des uns fait bien souvent le bonheur des autres». Il y a fort à parier que les riverains des aéroports sont aujourd’hui bien déprimés.

Pour d’autres, le dicton qui s’applique serait plus «l’occasion fait le larron». Ainsi, certains hôteliers n’ont pas hésité à faire grimper les prix, tandis que certaines compagnies aériennes demandaient un paiement forfaitaire pour figurer sur la liste des premiers à partir… D’une manière beaucoup plus légitime, les loueurs de voitures et les autocaristes auront su profiter de l’occasion en montrant une souplesse et une vitesse de réaction impressionnante. Nombreux sont les passagers qui seront rentrés en car depuis des destinations proches.

Mais tout cela ajouté aux différentes mesures prises par les professionnels de Suisse (mise en place de centre d’appel, permanence, heures supplémentaires, frais de téléphone, énergie humaine) aura eu un coût pour la branche côté vente et revente. Un coût dont tous se seraient certainement bien passé. L’aérien également aura fait les frais d’une interruption jugée exagérée. La lutte se poursuivra d’ailleurs ces prochains jours pour savoir qui sera dédommagé par l’Etat. Et si l’aérien l’est nul doute que ECTAA et les autres associations nationales feront leur possible pour que voyagistes et agences le soient aussi.

Cependant, ce qui aura le plus été obscurcis par le nuage de cendre, c’est la mémoire de tous. A voir ces vacanciers effrayés ou paniqués de ne pouvoir prendre leur vol de retour, on a l’impression que les catastrophes qu’ont été les séismes d’Haïti et du Chili, le tsunami, ou les grands attentats terroristes n’ont jamais existé. C’est d’ailleurs un élément qui ressort lorsque l’on interroge les TOs qui ont été concernés par ce type de problème. L’expérience d’incidents bien plus graves où la sécurité des voyageurs était en jeu a alors servi, ne serait-ce que pour prendre le recul nécessaire à un traitement efficace d’un problème … fumeux?