Des réservations anticipées oui, mais pas trop (Edition 2007-30)

Cédric Diserens à propos des réservations anticipées pour l’hiver.

La branche des voyages est un secteur qui, en raison de son domaine très instable, a longtemps été plus réactif que proactif. Dans la chaîne de vente, les tour-opérateurs ont souvent dicté leurs conditions, forçant les revendeurs à s’adapter et à faire face aux incompréhensions d’une clientèle profane. Ainsi, les offres Last Minute sont devenues une habitude, jusqu’à ce que l’on se rende compte qu’il était plus confortable pour tout le monde de prévoir plutôt que de réagir. Un long travail de séduction a donc commencé pour mener la clientèle à réserver le plus tôt possible ses prochaines vacances.

Aujourd’hui, la situation devient paradoxale: d’un côté, les agents et la clientèle adhèrent de plus en plus au principe de la réservation anticipée – principe pour lequel les tour-opérateurs suisses ont fortement milité ces dernières années. Les divers rabais et promotions offerts, ajoutés au confort de la possibilité de choisir, ont séduit les clients et les ont menés à adapter leurs habitudes. Mais alors que le principe du First Minute commence à remporter le succès escompté, voilà que la clientèle veut réserver trop à l’avance.

Les agences se heurtent donc à un regard d’incompréhension lorsque l’agent ne peut confirmer l’hôtel soigneusement repéré dans une brochure (de la saison passée) ou lors d’un voyage précédent. Pire encore, le sésame qui permet de rejoindre le lieu de vacances tant désiré doit être émis (et payé) dans les 72 heures. Dès lors, comment expliquer cela à la clientèle qui, déjà perdue parmi les nombreuses offres, doit y perdre ses dernières bribes de latin?

Les raisons des tour-opérateurs ne sont pas forcément discutables: le marché suisse n’est effectivement pas suffisamment important face à celui des pays limitrophes comme l’Allemagne, la France ou l’Italie. Quant à la négociation avec les partenaires des différentes destinations, elle est inévitablement plus complexe dans la mesure où les voyages à la carte prennent le dessus, ceux-ci nécessitant la plus grande variété possible.

Dans un marché aussi petit que celui de la Suisse, il est tout de même surprenant de voir que le fossé qui sépare chacun des acteurs des voyages paraît toujours énorme. L’impression de protagonistes vivant isolés dans des jardins bien délimités est plus forte que jamais. Selon Peter Brun, porte-parole de Kuoni Suisse, TUI profite de sa centrale d’achat à Hannovre. Mais si l’Allemagne a pu avancer sa production de quelques mois, pourquoi nos grands tour-opérateurs ne pourraient-ils pas faire de même?

Croire que la clientèle d’aujourd’hui ne planifie pas déjà ses vacances d’hiver durant les vacances d’été, c’est oublier que nous sommes dans un monde qui va (trop?) vite et que pour une large portion de clients, le voyage est terminé une fois que les documents sont livrés.