Essor réjouissant mais dangereux (Edition 2008-36)

Dominique Sudan à propos de Baboo

Depuis qu’elle a changé de Corporate Identity, Baboo n’a pas résolu
l’équation à trois inconnues qui se présente à elle: maîtriser une
croissance rapide puisqu’elle triple de volume, assurer le meilleur
positionnement possible et atteindre rapidement l’équilibre afin de
régler l’important problème de masse critique. Aujourd’hui, Baboo fait
son mea culpa: elle se retire de Kiev et n’insistera plus sur
Saint-Pétersbourg où les Russes auraient de toute façon dit «niet»
pendant longtemps.

Dans un cas comme dans l’autre, des erreurs d’approche ont été
commises: visiblement, aucune étude de marché approfondie n’a été menée
avant d’annonce l’ouverture de Kiev à des tarifs d’appel défiant toute
concurrence. Quant à l’ouverture de Saint-Pétersbourg, elle ne peut se
faire qu’avec l’appui d’un partenaire local. Ce mode de fonctionnement
existe dans le golfe Persique depuis belle lurette: sans parrain, point
de salut.

En concentrant sa stratégie de croissance sur le réseau court-courrier,
Baboo prend l’option qu’il faut. Ses nouveaux appareils ne sont pas
vraiment bon marché à l’exploitation et souffrent parfois de maladies
d’enfance qui peuvent dévaloriser rapidement un produit pourtant fort
sympathique. Mais sur quatre des cinq axes choisies, Baboo sera en
concurrence directe avec Air France (Toulouse), EasyJet (Bordeaux) et
Swiss (Athènes et Bucarest). Durant la belle saison, cette concurrence
n’est nullement dramatique. Mais en hiver, le problème est différent.
Et en raison des coûts opérationnels de ces nouveaux avions, Baboo
courrait au suicide en tentant d’attirer le chaland par des prix
cassés. Aussi réjouissant fût-il, le développement de Baboo étonne
aussi par le choix des destinations: aucune d’entre elles n’a, en
hiver, le potentiel suffisant pour assurer une double opération
rentable au départ de Genève.

Pour la compagnie genevoise, la conclusion rapide d’accords commerciaux
s’impose aussi. Car même un problème technique mineur, à Athènes,
Bucarest ou Zagreb, s’avérera dramatique pour un transporteur esseulé
et sans accord interline. Baboo développera dans un premier temps ces
fameux vols triangulaires avec courte escale à Genève afin d’éviter le
piège du point à point pur et dur, mais elle doit absolument faire le
pas et frapper à la porte de grands transporteurs, voire d’une
alliance, qui lui garantirait l’équilibre sans lequel aucune compagnie
ne survit. Surtout par les temps qui courent où vingt-cinq compagnies
ont mis la clef sous la porte en l’espace de quelques mois.