Gouverner, c’est prévoir (Edition 2009-14)

Dominique Sudan à propos des charters à Genève

La planification charter de Kuoni et M-Travel Switzerland (MTCH)
réalisée en automne dernier et annoncée en décembre ne manquait pas
d’ambition. Face à la situation conjoncturelle d’aujourd’hui, aussi
bien Kuoni que MTCH ont été contraints de réagir rapidement. Gagner des
parts de marché en Suisse romande est une chose, faire face à
l’attentisme de la clientèle en est une autre.

De toute manière, une surcapacité évidente menaçait les deux grands TOs
dès l’annonce du programme charter estival. Le seul exemple de
Mykonos/Santorin suffit à le prouver: Kuoni et MTCH, certes,
proposaient deux nouvelles îles grecques jamais desservies en direct
depuis
Genève. Mais la capacité offerte par le vol triangulaire d’Hello (MTCH)
et les deux opérations séparées de Baboo (Kuoni) était totalement
démesurée. Même en période de vaches grasses, le marché romand n’aurait
pas été en mesure de rentabiliser de telles opérations.

Très tôt dans la saison, Kuoni et MTCH ont décidé de ne pas se voiler
la face: la mayonnaise n’a pas pris, il ne faut pas insister et
demeurer réaliste. Même des actions spéciales ne suffiraient pas à
rentabiliser des opérations aériennes onéreuses vers deux destinations
au faible potentiel en Suisse romande. Sur d’autres axes, les deux
grands estiment en revanche que les affaires vont plutôt bien. C’est
sans doute vrai sur les autoroutes habituelles, ça l’est sans doute
moins sur des destinations au niveau tarifaire élevé.

Là, on ne peut que constater les dégâts faits par la crise économique
actuelle: la Sardaigne peine, à l’image de Mykonos et Santorin qui
constituent des cas à part dans la programmation balnéaire grecque. Et
pour cause: les trois destinations jouent dans un segment de prix
élevé, peut-être le plus élevé de toute la Méditerranée. On ne parle
plus de balnéaire pur, mais plutôt de séjours tendance et lifestyle.
Dès lors, il n’est guère surprenant de constater que ces axes éprouvent
d’immenses difficultés à séduire la clientèle moyenne. D’ailleurs, même
les agents de voyages qui sont au front ne soutiennent pas le lancement
de ces nouvelles destinations. Ce n’est nullement par mauvaise volonté.
C’est uniquement parce qu’ils n’oseraient proposer de tels arrangements
à une clientèle inquiète, déstabilisée et nullement rassurée face à
l’avenir.

Un autre TO local est directement pénalisé par l’attitude des grands
qui sont aussi co-affréteurs sur plusieurs destinations, principalement
la Sardaigne. VT Vacances, qui assume seul le risque charter lié aux
rotations Brussels Airlines, avait frappé à la porte de la compagnie
belge la fleur au fusil lorsqu’il s’était agi de négocier les capacités
aériennes estivales. Avec les groupes Kuoni et MTCH comme compagnons de
jeu, VT avait toutes les raisons d’être optimiste, malgré la morosité
actuelle. Au final, le TO romand n’est pas épargné et doit lui aussi
revoir sa copie, avec tous les risques que cela comporte.

Mais tout de même. Autant les deux grands TOs font aujourd’hui preuve
de réalisme, autant ils avaient délibérément décidé de ne se faire
aucun cadeau en annonçant en décembre un programme charter aussi riche.
Là, ils n’ont pas vraiment de joker à faire valoir: même si la
planification avait été faite en août, la situation qui prévalait en
décembre déjà ne présageait rien de bon. Gouverner, c’est pourtant
prévoir.