Madame la Ministre, comment peut-on se projeter dans lavenir du tourisme dans un pays si durement touché après les attentats du Bardo et de Sousse?
En montrant que nous ne sommes pas abattus, que nous plions, mais comme le roseau. On a voulu frapper léconomie tunisienne et le tourisme en fait partie. Nous devons agir. Comprendre pourquoi cest arrivé nest pas une fin en soi, il faut se relever, profiter de cette période difficile pour que les failles nen soient plus. Nous devons aussi admettre que des attentats se produisent partout, pas seulement ici. Mais nous le payons très cher.
Collaborez-vous avec les pays qui ont également été touchés et, si oui, de quelle manière?
Depuis le Bardo, nous travaillons de mieux en mieux avec les pays européens, de manière bilatérale ou multilatérale, et selon des standards identiques que nous appelions de nos vux. Nous nous transférons les informations. Mais il est évident quil est plus simple de sécuriser lîle de Djerba que lensemble dun pays qui a aussi des zones frontalières désertiques.
Et le problème, cest la Libye. La sécurité est une question très impor-tante et il faut que cela se sache et se montre, la paix sociale aussi parce quen Tunisie, la victime, cest le peuple. Sinon, rien ne peut reprendre, cest une évidence.
La Tunisie est-elle plus sensible, est-ce que le processus démocratique ne plait pas à tout le monde?
Le seul pays où le Printemps arabe est possible, cest la Tunisie. Et ça ne plaît pas à tout le monde. La Grande-Bretagne aussi a connu des attentats. La France a vécu des drames terribles cette année. Et, malgré tout, la France bat ses records de fréquentation touristique. Il y a donc dautres réponses, plus conjoncturelles, à chercher. Il existe un lien avec la religion et cela touche tous les pays musulmans. Lorsque de tels drames se produisent, limpact est encore plus grand et léconomie plus fragilisée. Il faut donc prendre des mesures dans tous les domaines, quil sagisse de sécurité ou de formation.
Quest-ce qui inspire la crainte, le retrait ou les coups de frein des grands opérateurs touristiques?
Concrètement, où en sommes-nous? A fin septembre, 2015 affiche une baisse de 25% par rapport à 2014. Mais moins 50% pour ce qui concerne la clientèle européenne, moins 60% pour le marché français. Jai pu discuter avec ces grands opérateurs. Il ne sagit pas toujours de fermer la porte, mais darrêter la programmation cet hiver. Pour 2016, nous espérons la reprogrammation. Il sagit donc dun optimisme très mesuré.
Que fait-on, en particulier face à ces marchés qui sécroulent?
Il faut avancer. Nous travaillons avec lensemble des partenaires car tout le monde est touché et tout le monde doit retrousser ses manches y compris les partenaires internationaux qui doivent comprendre que nous ne voulons plus brader les produits tunisiens.
Il ne sagit pas de mettre la pression sur les marchés qui pèsent lourd et qui connaissent des difficultés pour programmer la Tunisie. Ils seront toujours les bienvenus. Mais ils doivent peser moins lourd dans la balance, en pourcentage. Nous devons développer dautres marchés, ne pas être tributaire de tel ou tel.
Pour monter en gamme, nest-il pas urgent davoir des produits de qualité en plus grand nombre?
Pour diversifier nos marchés, il im-porte aussi de réformer le secteur touristique. Bien sûr quil faut développer les congrès, mieux travailler le tourisme des seniors. Nous devons aussi nous mettre à niveau, en particulier pour ce qui concerne lenvironnement car il y a eu beaucoup de dérapages ces derniè-res années. Travailler aussi les nouvelles campagnes de promotion en communiquant non pas sur la carte postale de la destination Tunisie, mais sur la société tunisienne, des lieux, des nouveaux produits comme les maisons dhôtes qui apportent une nouvelle clientèle, le terroir, la gastronomie.
Quapportera lOpen Sky, qui sera bientôt une réalité dans le ciel tunisien?
LOpen Sky, cest dans six mois, cest-à-dire demain matin. Il faut sy préparer car cest en quelque sorte louverture de lautoroute. Le tourisme doit être lié au transport. Mais il va falloir mettre les bouchées doubles et se projeter très vite dans la réalité qui nous attend. Il y a 50 000 lits à Djerba. Avec lOpen Sky, ce ne sera pas suffisant.
Alain Bossu, Tunis