Jusqu’où Swiss est-elle libre de ses mouvements? (Edition 2008-08)

Dominique Sudan à propos des taxes GDS de Swiss/Lufthansa

La machine est en marche et rien ne saura l’arrêter désormais: les
agences de voyages, Fédération en tête, entendent utiliser tous les
moyens pour combattre la nouvelle structure tarifaire imposée au marché
par la société mère Lufthansa et sa filiale Swiss. La hache de guerre
est vraiment déterrée et la «Task Force» mise en place récemment ne
lâchera pas son os: la Fédération réitère sa recommandation de ne pas
signer le nouveau contrat portant sur les Preferred Fares de Swiss;
elle entreprendra des recherches pour déterminer si des démarches
juridiques sont possibles à l’encontre des deux compagnies.

Un front jusqu’ici uni où l’on va même jusqu’à envisager plusieurs
mesures contraignantes – le shifting est l’arme de dernier recours – au
cas où Swiss ne céderait pas. C’est lorsqu’il conviendra de mettre de
telles menaces à exécution que l’on pourra évaluer la dureté des propos
d’aujourd’hui. Arrivée en bout de contrat avec les GDS, Swiss a
machiavéliquement joué le coup en refusant le contrat triennal que lui
soumettait Amadeus. Contrairement à Air France-KLM lié pour trois au
GDS, Swiss n’est donc plus contrainte de fournir tout son contenu sans
surcharge aux agences utilisatrices. Swiss va plus loin et prétend ne
pas craindre l’arme du shifting que d’aucuns disent vouloir brandir.
Mais Swiss ne cache pas qu’elle demeure ouverte au dialogue.

Malheureusement pour les compagnies aériennes, le dialogue n’est pas
triangulaire puisque deux contrats bilatéraux lient les agences aux GDS
et ces derniers aux airlines. On n’est pas sorti de l’auberge. Etre
ouvert au dialogue ne signifie pas non plus avoir les pleins pouvoirs.
Jusqu’où Swiss est-elle libre de ses mouvements depuis qu’elle doit
rendre des comptes à sa tutrice d’outre-Rhin? S’agit-il d’une pure
manœuvre dilatoire ou Swiss a-t-elle vraiment la volonté d’entrer en
matière? Pourquoi entamer un dialogue à Zurich et maintenir le fait
accompli une semaine plus tard à Francfort? Swiss peut-elle vraiment se
mettre à dos sa maison mère et entrer en matière avec ses partenaires
helvétiques?

Car il est désormais acquis que Lufthansa tire toutes les ficelles dans
cette affaire. Certes, la compagnie allemande invite les trois pays
(Suisse, Allemagne, Autriche) qui font bloc à un tour de table à
Francfort: serait-ce dans l’unique but de confirmer que la décision est
irrévocable et d’expliquer la mise en œuvre technique de la nouvelle
structure tarifaire? Si tel devait être le cas, les associations
d’agences n’auront plus à menacer. Elles devront agir et croiser le fer
avec les deux compagnies.

C’est là que l’on verra si des intérêts croisés ne les empêchent pas
d’aller jusqu’au bout et les réduisent au rôle peu enviable de mater
dolorosa.