La guerre du Golfe aura bien lieu (Edition 2011-05)

Dominique Sudan à propos de l’offre vers le Golfe Persique

Coup sur coup, deux nouvelles compagnies aériennes ont confirmé leur prochain déploiement à Genève et une troisième annonce son arrivée à Zurich cette année encore. Rien qu’à Genève, les trois «majors» du Golfe Persique seront prochainement en concurrence directe et quotidienne, Emirates, Etihad et Qatar Airways. Si elle joue dans un autre registre, Gulf Air sera également de la partie avec trois vols hebdomadaires, tout comme Kuwait Airways. Et, au sens large du terme, il convient d’y ajouter Middle East Airlines de même que Saudi Arabian, qui s’appuient toutes deux sur un dense réseau régional. Encore heureux qu’Oman Air ait opté pour Zurich!

Fatalement, les trois principaux transporteurs de la région entreront en concurrence directe sur de multiples destinations internationales desservies au départ de leur hub respectif. La concurrence est déjà vive entre Etihad et Qatar Airways, elle se transformera en guerre tarifaire fratricide lorsqu’Emirates se posera chaque jour à l’Aéroport International de Genève (AIG). Même s’ils s’en défendent, les responsables locaux des airlines concernées ne pourront ignorer les directives de leurs sièges d’Abu Dhabi, Doha ou Dubaï, qui investissent des montants colossaux dans le développement de l’offre et du produit. 

L’enjeu est tout aussi colossal si l’on tient compte du prochain basculement géo-stratégique des grands hubs. L’Europe, qu’on l’admette ou non, est saturée et les trois grandes compagnies aériennes du Golfe qui ne sont liées à aucune alliance mondiale préparent depuis longtemps ce transfert entre l’Europe et la péninsule arabique. Totalement libres de leurs mouvements, elles n’ont de comptes à rendre ni à Lufthansa, ni à Air France-KLM ou British Airways. En ce sens, les airlines du Golfe dérangent. C’est la raison pour laquelle elles se positionnent aussi sur des aéroports de deuxième catégorie dont Genève fait partie. Sur ces plates-formes, gagner des parts de marché pour alimenter les hubs d’Europe est l’objectif quotidien à atteindre pour les trois alliances. 

Mais depuis qu’elles sont actives à Genève, les compagnies du Golfe rendent de fiers services à de nombreux TOs romands ou d’envergure nationale. Peinant à obtenir des contingents de sièges sur les vols directs opérés depuis Zurich, de nombreux spécialistes de l’Asie optent pour l’alternative via le Golfe au départ de Genève. Le niveau tarifaire négocié sur certaines routes et répercuté ensuite sur les arrangements constitue également un important argument de vente pour ces spécialistes. L’arrivée d’Emirates ne changera pas la donne, au contraire. Dans le segment Leisure mais aussi dans le Corporate, la guerre du Golfe qui aura bel et bien lieu n’en sera que plus vive. Tout simplement parce que le marché ne pourra absorber toute la capacité disponible.