Marcel Bürgin, après plus de trois mois à la tête de Kuoni Suisse, comment résumez-vous la fonction de CEO?
Je me sens tout à fait accepté et à laise dans cette fonction palpitante. Après avoir passé 25 ans dans lentreprise, jaborde des thèmes connus, sans réelle surprise. Ce parcours ma permis de toucher à tous les domaines dactivités et ma surtout permis de tisser un dense réseau de relations à linterne.
A tous les niveaux hiérarchiques, je connais énormément de gens et beaucoup de personnes me connaissent. Au sein du marché suisse, jai également noué de solides relations avec de nombreux agents de voyages.
Vu de lextérieur, on a limpression dun retour à la stabilité à la tête de Kuoni Suisse. Est-ce le cas?
Cest en tout cas mon vu le plus cher! Kuoni constitue une grande entreprise, et les adaptations et autres ajustements stratégiques sont très nombreux. Le marché est en perpétuelle mutation. Mon objectif est de travailler sur le long terme, main dans la main avec le grand nombre de collaborateurs fidèles à notre entreprise de très longue date et avec les nouvelles recrues appelées à nous renforcer, notamment dans le Touroperating. Car je crois au Touroperating!
Quels sont aujourdhui les plus importants défis à relever?
Plus grande est une entreprise, plus difficile est la vitesse de réaction et dexécution dans les nombreuses décisions à prendre. Le marché est en restructuration permanente, avec les prix du jour, le problème des disponibilités et Internet, à la fois concurrent et allié.
Mon but consiste à accélérer la prise de décision en responsabilisant au maximum les collaborateurs et les responsables de ressorts.
Comment analysez-vous la situation actuelle de la branche suisse des voyages?
Nous nous trouvons au milieu dun bouleversement sans précédent qui concerne lensemble des secteurs, du Touroperating à la distribution en passant par lIncoming.
Je reste pourtant davis que les conditions de base sont réunies pour réaliser en Suisse des affaires couronnées de succès. La situation économique est bonne et lactivité en termes de voyages se maintient à un haut niveau.
Comment Kuoni sadapte-t-il à cette nouvelle donne?
Je lai dit, la vitesse dexécution est importante. Avant ma nomination, de nombreux chantiers ont été ouverts au sein de Kuoni, par exemple avec la réorganisation de la distribution. Entre-temps, nous avons donné naissance à des centres de compétences au sein du Touroperating afin de mieux gérer les achats et déviter les interférences.
Je voudrais également souligner que le Touroperating sest quelque peu éclairci ces dernières années, mais que 2013 sest avérée une année faste. Les spécialistes continuent de croître et la distribution se développe de manière stable.
Que dire de lévolution de Kuoni Suisse en termes de chiffre daffaires?
Malgré les problèmes qua connus lEgypte, nous avons généré lannée passée un chiffre daffaires consolidé de CHF 733 millions, qui correspond à une croissance de 4,5%. Globalement, Kuoni Suisse a été clairement bénéficiaire lan dernier.
Et la Suisse romande?
Sans entrer dans le détail, je dirais que son poids est important puisquil représente entre 25 et 30% du total suisse. La Suisse romande nous donne dailleurs entière satisfaction: nous nous appuyons sur un très bon réseau tout en comptant au sein de Kuoni des collaborateurs et des chefs de succursale de très grande qualité.
Certes, mais le segment balnéaire a encore fondu.
Cest là que nous faisons face à la plus forte concurrence. Dans ce domaine, il sera toujours plus difficile de tenir les chiffres. Ce nest pas tant le chiffre daffaires qui pose problème mais bien les marges. Mais ne sous-estimons pas les clients: dans le segment balnéaire, il existe toujours des produits que lon peut écouler en mettant en avant la qualité.
Comment se ventile votre distribution entre les succursales et les agences agréées?
Le rapport demeure stable depuis des années: cest à peu près du 55-45. La fermeture de quelques succursales na pas entraîné de changement étant donné que nous sommes demeurés stables au niveau du personnel et que de nombreuses affaires ont été récupérées par dautres agences Kuoni.
Mais je tiens à marteler que la distribution via les agences demeure très importante pour nous et que cette situation doit perdurer.
Concrètement?
Dans les faits, nous avons prouvé limportance que nous accordons à la distribution en nommant Sabine Schuler «Head Agent Sales». Cette dernière a pour mission dintensifier de nouveau les relations avec les agences agréées, de prendre les décisions qui simposent et, le cas échéant, de résoudre directement les éventuels problèmes qui se posent.
En Suisse romande, un changement interviendra ces prochaines semaines dans ce domaine: Stefan Egli, notre chef Distribution, est actuellement à la recherche dun nouveau responsable des ventes afin de remplacer Anne Divorne qui nous quittera à la fin août.
Quelle est limportance des commissions dans les relations avec vos agents?
Leur niveau doit être convenable pour les deux parties. Limportant dans la distribution est détablir de vraies relations de partenariat et de les soigner à long terme. Le barème de commission nest quun des multiples aspects de cette relation.
Contrairement à la Suisse romande, le marché alémanique doit faire face à la forte concurrence dentreprises allemandes. Quels sont les principaux problèmes à résoudre?
Internet est le moteur le plus puissant de la restructuration en cours. En 2011, le mouvement sest accéléré avec la parité franc suisse/euro qui a fait que les producteurs suisses étaient entre 25 et 30% plus chers que la concurrence allemande. Si nous navons plus de concurrence sur le change, nous lavons encore sur le marché.
Car le principe que tout est forcément meilleur marché à létranger sest installé durablement dans linconscient collectif de nombreux Suisses; les médias ne sont dailleurs étrangers au renforcement de cette idée préconçue.
Il est énervant de constater que seul le prix est mis en avant dans des comparaisons superficielles et pousse à privilégier les réservations à létranger.
Des éléments comme la qualité et la sécurité restent pourtant très importants pour la clientèle suisse.
Où se situe X-Helvetictours dans ce domaine?
Nous respectons le budget qui prévoit une hausse du volume daffaires. X-Helvetictours, le voyagiste virtuel, reste tout à fait concurrentiel, mais il lui est difficile dêtre le meilleur marché en raison des coûts plus élevés que connaît la Suisse.
Dune façon globale, les listes de prix du passé ont-elles des chances de survie face aux prix du jour?
Les listes de prix ont aussi évolué; elles fournissent de plus en plus des tarifs «à partir de» ou des indications de prix. Mais jestime que le client doit pouvoir se faire une idée du montant quil aura à débourser, pour une simple question détablissement de budget voyage.
Les agents de voyages romands sont de plus en plus actifs dans le micro-TO. Ne veulent-ils quaméliorer leur marge?
Il ny a aucun clivage Suisse romande-Suisse alémanique en matière de micro-TO. Les agences sy mettent presque par nécessité. Au sein du groupe Kuoni, de nouveaux champs dactivité ont été ouverts grâce à GTA.
De nombreuses agences de voyages et succursales travaillent par exemple avec les outils que nous leur offrons, par exemple la banque de données hôtelières Travelcube. Dautres outils externes sont également utilisés, le but restant de mettre en place le produit collant le mieux aux besoins des clients.
Dans certains domaines, par exemple les intervilles, le micro-TO se développe à grande vitesse, y compris au sein de nos filiales Frantour et Railtour. On constate aussi que loutre-mer sy met depuis que des compagnies de vacances, à limage dEdelweiss Air, sont actives dans la vente de sièges seuls.
Pour une agence, le micro-TO a deux fonctions: il permet daméliorer la commission et souvent de proposer un prix inférieur à celui quun TO paie net. Par ailleurs, lagence est responsable pour le client pendant tout le voyage. Cest un risque, aussi financier, quil ne faut pas sous-estimer.
Au niveau Touroperating, lensemble du portefeuille Kuoni, filiales comprises, est traduit en langue française à lexception dAsia365. Pourquoi?
Avec Asia365, nous sommes partis de zéro il y a 20 mois. Tout a dû être mis en place, créé, développé et lancé sur le marché par Ruth Landolt et son équipe. Tout reste ouvert, rien nest jamais à exclure. Mais pour lancer un nouveau produit comme celui-ci, il faut mettre en place lindispensable structure convenant au marché romand.
Vos filiales spécialisées sont en croissance continue en Suisse romande. Pensez-vous tous les réunir un jour «under one roof», à limage de ce qua fait Hotelplan Suisse chez TPT?
Un premier pas sera effectué prochainement. Trop à létroit, le bureau Kontiki de Lausanne occupera une nouvelle situation centrale dans la capitale vaudoise en sinstallant dans de nouveaux locaux au boulevard de Grancy 37, soit à trois minutes à pied de la gare.
Cette nouvelle adresse réunira aussi Private Safaris, dont deux collaborateurs actuels emménageront à Lausanne. Deux autres produits sont concernés: Manta Voyages et Kuoni Cruises pour lesquels nous cherchons actuellement des collaborateurs.
Nous avons déjà trouvé les locaux, mais nous devons encore procéder à certaines transformations et installer les outils IT. Entre la fin 2014 et le début 2015, Kontiki, Private Safaris, Manta et Kuoni Cruises seront réunis à Lausanne.
Si la stratégie «under one roof» revient à chaque fois sur le tapis, je peux affirmer quelle nest pas un thème aujourdhui. Mais encore une fois, rien nest jamais exclu.
Cette nouvelle plate-forme de filiales en Suisse romande est-elle une réaction à la stratégie appliquée chez TPT par lautre généraliste actif en Suisse romande?
Absolument pas. Les responsables des marques concernées souhaitent et demandent vraiment ce développement pour soigner la proximité avec le réseau. Une présence physique marquée est importante en Suisse romande, la nouvelle plate-forme prévue à Lausanne nous permettant de soigner les relations avec nos distributeurs, par exemple lors de présentations internes ou de cours de formation pour agents.
Vous parliez de Kuoni Cruises. Face à la sortie très avancée des catalogues de compagnies dominantes (Costa et MSC) et aux forts rabais offerts sur les réservations anticipées, un catalogue croisières a-t-il encore sa raison dêtre?
Oui, car nous avons accès aux tarifs et ne connaissons par conséquent aucun problème de prix. Nous avons réduit le volume de ce catalogue, qui demeure important et sert à présenter la richesse et la diversité de loffre et à montrer ce quest un bateau.
A Genève, Easyjet est-elle à lorigine de la forte réduction de la programmation charter des grands TOs?
Easyjet propose à Genève un réseau extrêmement dense de destinations, y compris dans le balnéaire. Etant donné que la haute saison est trop courte pour financer la basse saison, Kuoni a réduit sa programmation mais assume tout de même des risques charters sur plusieurs destinations.
Lexpérience la prouvé: seule une collaboration entre les grands TOs se partageant le même avion assure la rentabilité des charters à Genève. Etes-vous ouvert au dialogue avec Hotelplan?
Je nai aucun problème avec Hotelplan mais deux priorités: je veux des clients satisfaits et être rentable. Rien nest fermé. Mais le charter évolue: ou lon exploite un «full charter» où lon prend des risques en vendant trop de sièges seuls.
Au niveau IT, vous allez désactiver Komet. Pourquoi?
Dans la distribution, nous sommes bien armés avec les GDS, Cets, Umbrella et notre propre système CRM. Cest également le cas sur Internet où nous travaillons avec la technologie la plus moderne.
Mais il est vrai que Komet, qui est utilisée depuis 20 ans, est une «vieille dame». Alors quil y a quelques années, ce système répondait très bien les besoins du marché, ce nest plus le cas aujourdhui, ou alors de manière limitée. Actuellement, le Ticket Shop et Asia365 testent à linterne la nouvelle plate-forme «Tango». Les départements Arabie et Caraïbes suivront. A moyen terme, Komet sera complètement remplacée.
Un dernier mot sur la Fédération Suisse du Voyage (FSV). Lorsque vous aurez été élu au comité en remplacement de votre prédécesseur Thomas Goosmann, quelles idées concrètes entendez-vous apporter?
Je ne vais pas trop mexprimer sur ce sujet étant donné que je ne suis pas encore élu et quil conviendra dattendre la prochaine assemblée générale de Malte.
En deux mots, je dirais pourtant que lengagement associatif nest pas nouveau pour moi puisque javais siégé pendant longtemps au comité de lassociation bâloise. Je me réjouis daborder avec des collègues de la branche divers dossiers et de discuter les thèmes propres à notre branche. Jai toujours eu un coup de cur pour les thèmes liés à la formation.
Dominique Sudan