«La présence physique de Kuoni sera renforcée en Suisse romande» (Edition 2014-31)

Marcel Bürgin fait le point au sortir des fameux 100 jours passés à la direction de Kuoni.

Marcel Bürgin, après plus de trois mois à la tête de Kuoni Suisse, comment résumez-vous la fonction de CEO?

Je me sens tout à fait accepté et à l’aise dans cette fonction palpitante. Après avoir passé 25 ans dans l’entreprise, j’aborde des thèmes connus, sans réelle surprise. Ce parcours m’a permis de toucher à tous les domaines d’activités et m’a surtout permis de tisser un dense réseau de relations à l’interne. 

A tous les niveaux hiérarchiques, je connais énormément de gens et beaucoup de personnes me connaissent. Au sein du marché suisse, j’ai également noué de solides relations avec de nombreux agents de voyages.

Vu de l’extérieur, on a l’impression d’un retour à la stabilité à la tête de Kuoni Suisse. Est-ce le cas?

C’est en tout cas mon vœu le plus cher! Kuoni constitue une grande entreprise, et les adaptations et autres ajustements stratégiques sont très nombreux. Le marché est en perpétuelle mutation. Mon objectif est de travailler sur le long terme, main dans la main avec le grand nombre de collaborateurs fidèles à notre entreprise de très longue date et avec les nouvelles recrues appelées à nous renforcer, notamment dans le Touroperating. Car je crois au Touroperating!

Quels sont aujourd’hui les plus importants défis à relever?

Plus grande est une entreprise, plus difficile est la vitesse de réaction et d’exécution dans les nombreuses décisions à prendre. Le marché est en restructuration permanente, avec les prix du jour, le problème des disponibilités et Internet, à la fois concurrent et allié. 

Mon but consiste à accélérer la prise de décision en responsabilisant au maximum les collaborateurs et les responsables de ressorts.

Comment analysez-vous la situation actuelle de la branche suisse des voyages?

Nous nous trouvons au milieu d’un bouleversement sans précédent qui concerne l’ensemble des secteurs, du Touroperating à la distribution en passant par l’Incoming.

Je reste pourtant d’avis que les conditions de base sont réunies pour réaliser en Suisse des affaires couronnées de succès. La situation économique est bonne et l’activité en termes de voyages se maintient à un haut niveau.

Comment Kuoni s’adapte-t-il à cette nouvelle donne?

Je l’ai dit, la vitesse d’exécution est importante. Avant ma nomination, de nombreux chantiers ont été ouverts au sein de Kuoni, par exemple avec la réorganisation de la distribution. Entre-temps, nous avons donné naissance à des centres de compétences au sein du Touroperating afin de mieux gérer les achats et d’éviter les interférences.

Je voudrais également souligner que le Touroperating s’est quelque peu éclairci ces dernières années, mais que 2013 s’est avérée une année faste. Les spécialistes continuent de croître et la distribution se développe de manière stable.

Que dire de l’évolution de Kuoni Suisse en termes de chiffre d’affaires?

Malgré les problèmes qu’a connus l’Egypte, nous avons généré l’année passée un chiffre d’affaires consolidé de CHF 733 millions, qui correspond à une croissance de 4,5%. Globalement, Kuoni Suisse a été clairement bénéficiaire l’an dernier.

Et la Suisse romande?

Sans entrer dans le détail, je dirais que son poids est important puisqu’il représente entre 25 et 30% du total suisse. La Suisse romande nous donne d’ailleurs entière satisfaction: nous nous appuyons sur un très bon réseau tout en comptant au sein de Kuoni des collaborateurs et des chefs de succursale de très grande qualité.

Certes, mais le segment balnéaire a encore fondu.

C’est là que nous faisons face à la plus forte concurrence. Dans ce domaine, il sera toujours plus difficile de tenir les chiffres. Ce n’est pas tant le chiffre d’affaires qui pose problème mais bien les marges. Mais ne sous-estimons pas les clients: dans le segment balnéaire, il existe toujours des produits que l’on peut écouler en mettant en avant la qualité. 

Comment se ventile votre distribution entre les succursales et les agences agréées?

Le rapport demeure stable depuis des années: c’est à peu près du 55-45. La fermeture de quelques succursales n’a pas entraîné de changement étant donné que nous sommes demeurés stables au niveau du personnel et que de nombreuses affaires ont été récupérées par d’autres agences Kuoni.

Mais je tiens à marteler que la distribution via les agences demeure très importante pour nous et que cette situation doit perdurer. 

Concrètement?

Dans les faits, nous avons prouvé l’importance que nous accordons à la distribution en nommant Sabine Schuler «Head Agent Sales». Cette dernière a pour mission d’intensifier de nouveau les relations avec les agences agréées, de prendre les décisions qui s’imposent et, le cas échéant, de résoudre directement les éventuels problèmes qui se posent.

En Suisse romande, un changement interviendra ces prochaines semaines dans ce domaine: Stefan Egli, notre chef Distribution, est actuellement à la recherche d’un nouveau responsable des ventes afin de remplacer Anne Divorne qui nous quittera à la fin août. 

Quelle est l’importance des commissions dans les relations avec vos agents?

Leur niveau doit être convenable pour les deux parties. L’important dans la distribution est d’établir de vraies relations de partenariat et de les soigner à long terme. Le barème de commission n’est qu’un des multiples aspects de cette relation.

Contrairement à la Suisse romande, le marché alémanique doit faire face à la forte concurrence d’entreprises allemandes. Quels sont les principaux problèmes à résoudre?

Internet est le moteur le plus puissant de la restructuration en cours. En 2011, le mouvement s’est accéléré avec la parité franc suisse/euro qui a fait que les producteurs suisses étaient entre 25 et 30% plus chers que la concurrence allemande. Si nous n’avons plus de concurrence sur le change, nous l’avons encore sur le marché.

Car le principe que tout est forcément meilleur marché à l’étranger s’est installé durablement dans l’inconscient collectif de nombreux Suisses; les médias ne sont d’ailleurs étrangers au renforcement de cette idée préconçue.

Il est énervant de constater que seul le prix est mis en avant dans des comparaisons superficielles et pousse à privilégier les réservations à l’étranger.

Des éléments comme la qualité et la sécurité restent pourtant très importants pour la clientèle suisse.

Où se situe X-Helvetictours dans ce domaine?

Nous respectons le budget qui prévoit une hausse du volume d’affaires. X-Helvetictours, le voyagiste virtuel, reste tout à fait concurrentiel, mais il lui est difficile d’être le meilleur marché en raison des coûts plus élevés que connaît la Suisse.

D’une façon globale, les listes de prix du passé ont-elles des chances de survie face aux prix du jour?

Les listes de prix ont aussi évolué; elles fournissent de plus en plus des tarifs «à partir de» ou des indications de prix. Mais j’estime que le client doit pouvoir se faire une idée du montant qu’il aura à débourser, pour une simple question d’établissement de budget voyage.

Les agents de voyages romands sont de plus en plus actifs dans le micro-TO. Ne veulent-ils qu’améliorer leur marge?

Il n’y a aucun clivage Suisse romande-Suisse alémanique en matière de micro-TO. Les agences s’y mettent presque par nécessité. Au sein du groupe Kuoni, de nouveaux champs d’activité ont été ouverts grâce à GTA. 

De nombreuses agences de voyages et succursales travaillent par exemple avec les outils que nous leur offrons, par exemple la banque de données hôtelières Travelcube. D’autres outils externes sont également utilisés, le but restant de mettre en place le produit collant le mieux aux besoins des clients.

Dans certains domaines, par exemple les intervilles, le micro-TO se développe à grande vitesse, y compris au sein de nos filiales Frantour et Railtour. On constate aussi que l’outre-mer s’y met depuis que des compagnies de vacances, à l’image d’Edelweiss Air, sont actives dans la vente de sièges seuls.

Pour une agence, le micro-TO a deux fonctions: il permet d’améliorer la commission et souvent de proposer un prix inférieur à celui qu’un TO paie net. Par ailleurs, l’agence est responsable pour le client pendant tout le voyage. C’est un risque, aussi financier, qu’il ne faut pas sous-estimer.

Au niveau Touroperating, l’ensemble du portefeuille Kuoni, filiales comprises, est traduit en langue française à l’exception d’Asia365. Pourquoi?

Avec Asia365, nous sommes partis de zéro il y a 20 mois. Tout a dû être mis en place, créé, développé et lancé sur le marché par Ruth Landolt et son équipe. Tout reste ouvert, rien n’est jamais à exclure. Mais pour lancer un nouveau produit comme celui-ci, il faut mettre en place l’indispensable structure convenant au marché romand.

Vos filiales spécialisées sont en croissance continue en Suisse romande. Pensez-vous tous les réunir un jour «under one roof», à l’image de ce qu’a fait Hotelplan Suisse chez TPT?

Un premier pas sera effectué prochainement. Trop à l’étroit, le bureau Kontiki de Lausanne occupera une nouvelle situation centrale dans la capitale vaudoise en s’installant dans de nouveaux locaux au boulevard de Grancy 37, soit à trois minutes à pied de la gare.

Cette nouvelle adresse réunira aussi Private Safaris, dont deux collaborateurs actuels emménageront à Lausanne. Deux autres produits sont concernés: Manta Voyages et Kuoni Cruises pour lesquels nous cherchons actuellement des collaborateurs. 

Nous avons déjà trouvé les locaux, mais nous devons encore procéder à certaines transformations et installer les outils IT. Entre la fin 2014 et le début 2015, Kontiki, Private Safaris, Manta et Kuoni Cruises seront réunis à Lausanne.

Si la stratégie «under one roof» revient à chaque fois sur le tapis, je peux affirmer qu’elle n’est pas un thème aujourd’hui. Mais encore une fois, rien n’est jamais exclu.

Cette nouvelle plate-forme de filiales en Suisse romande est-elle une réaction à la stratégie appliquée chez TPT par l’autre généraliste actif en Suisse romande?

Absolument pas. Les responsables des marques concernées souhaitent et demandent vraiment ce développement pour soigner la proximité avec le réseau. Une présence physique marquée est importante en Suisse romande, la nouvelle plate-forme prévue à Lausanne nous permettant de soigner les relations avec nos distributeurs, par exemple lors de présentations internes ou de cours de formation pour agents.

Vous parliez de Kuoni Cruises. Face à la sortie très avancée des catalogues de compagnies dominantes (Costa et MSC) et aux forts rabais offerts sur les réservations anticipées, un catalogue croisières a-t-il encore sa raison d’être?

Oui, car nous avons accès aux tarifs et ne connaissons par conséquent aucun problème de prix. Nous avons réduit le volume de ce catalogue, qui demeure important et sert à présenter la richesse et la diversité de l’offre et à montrer ce qu’est un bateau.

A Genève, Easyjet est-elle à l’origine de la forte réduction de la programmation charter des grands TOs?

Easyjet propose à Genève un réseau extrêmement dense de destinations, y compris dans le balnéaire. Etant donné que la haute saison est trop courte pour financer la basse saison, Kuoni a réduit sa programmation mais assume tout de même des risques charters sur plusieurs destinations.

L’expérience l’a prouvé: seule une collaboration entre les grands TOs se partageant le même avion assure la rentabilité des charters à Genève. Etes-vous ouvert au dialogue avec Hotelplan?

Je n’ai aucun problème avec Hotelplan mais deux priorités: je veux des clients satisfaits et être rentable. Rien n’est fermé. Mais le charter évolue: ou l’on exploite un «full charter» où l’on prend des risques en vendant trop de sièges seuls.

Au niveau IT, vous allez désactiver Komet. Pourquoi? 

Dans la distribution, nous sommes bien armés avec les GDS, Cets, Umbrella et notre propre système CRM. C’est également le cas sur Internet où nous travaillons avec la technologie la plus moderne.

Mais il est vrai que Komet, qui est utilisée depuis 20 ans, est une «vieille dame». Alors qu’il y a quelques années, ce système répondait très bien les besoins du marché, ce n’est plus le cas aujourd’hui, ou alors de manière limitée. Actuellement, le Ticket Shop et Asia365 testent à l’interne la nouvelle plate-forme «Tango». Les départements Arabie et Caraïbes suivront. A moyen terme, Komet sera complètement remplacée.

Un dernier mot sur la Fédération Suisse du Voyage (FSV). Lorsque vous aurez été élu au comité en remplacement de votre prédécesseur Thomas Goosmann, quelles idées concrètes entendez-vous apporter?

Je ne vais pas trop m’exprimer sur ce sujet étant donné que je ne suis pas encore élu et qu’il conviendra d’attendre la prochaine assemblée générale de Malte.

En deux mots, je dirais pourtant que l’engagement associatif n’est pas nouveau pour moi puisque j’avais siégé pendant longtemps au comité de l’association bâloise. Je me réjouis d’aborder avec des collègues de la branche divers dossiers et de discuter les thèmes propres à notre branche. J’ai toujours eu un coup de cœur pour les thèmes liés à la formation.

Dominique Sudan