La tactique du salami (Edition 2007-19)

Dominique Sudan à propos du BSP

En France où le régime mensuel prévaut également, le raccourcissement envisagé des délais de paiement a déjà donné lieu à une levée de boucliers. Dans l’Hexagone, le BSP gère annuellement un volume proche de 7,5 milliards d’euros et la billetterie représenterait plus de 70% de l’activité des agences de voyages. Le puissant SNAV, par la voix de son groupe de travail Aérien, n’a pas manqué de critiquer vertement la politique qu’envisage IATA: un BSP tous les quinze jours tombe au plus mauvais moment, les agences de voyages étant déjà touchées par la suppression des commissions décidée par les compagnies aériennes.

Le phénomène n’est pas propre à la France. En Suisse, la décision de IATA qui risque de n’être qu’une étape avant l’imposition d’un paiement hebdomadaire, touchera directement les agences de voyages ne s’appuyant pas sur un confortable coussin de liquidités. Ces agences sont légion. Et même si la Suisse avec un BSP annuel de quelque 4,2 milliards de francs figure parmi les meilleurs élèves d’Europe en matière de yield, de nombreux distributeurs souffriront si IATA opte en juin pour le paiement bimensuel avant d’imposer plus tard le versement hebdomadaire, en vertu de la fameuse tactique du salami chère à l’industrie des voyages. L’air de ne pas y toucher, c’est ce but que vise IATA puisqu’elle offre une réduction de la garantie bancaire aux 20% des 690 agences qui participent au BSP et s’acquittent de leur dû chaque semaine.

IATA Suisse, qui met en avant la qualité de son marché en termes de revenu, ne saurait ignorer que le segment Corporate est pour beaucoup dans le maintien d’un yield élevé. Or, les agences indépendantes actives dans ce secteur – on ne parle pas ici des grands qui n’éprouveront aucune difficulté à s’adapter lorsqu’il faudra s’y résoudre – traitent d’importants volumes qui ne sont pas tous réglés par carte de crédit. Là, les PME concernées devront avoir les reins solides lorsqu’il s’agira de passer à la caisse chaque semaine.

Le versement bimensuel ou hebdomadaire rassure les compagnies aériennes qui se disent «sécurisées» par ce système de paiement, mais il pourrait aussi animer les agences suisses et européennes d’un esprit de rébellion. De nombreuses agences suisses ont rendu en deux ans leur tablier IATA et le BSP compte 10% de participants en moins. Le monopole IATA est un modèle passé. Les agences pourraient se mobiliser pour créer ensemble avec les airlines un nouvel organisme adapté à l’époque actuelle et centralisant tous les paiements.