L’argent reste le nerf de la guerre (Edition 2008-33)

Dominique Sudan à propos de CWT à l’ONU

En douze mois, Carlson Wagonlit Travel (CWT) aura perdu deux très gros
contrats représentant près de 160 millions de volume d’affaires. Le 1er
janvier dernier, c’était un client «historique», Nestlé, qui écoutait
le chant des sirènes: BCD Travel décrochait alors la palme. Suite à
différents audits internes et externes, Nestlé s’en mordraient les
doigts. Le 1er janvier prochain, ce seront l’ONU et quatre
organisations internationales affiliées qui passeront du portefeuille
de CWT à celui d’American Express. L’appel d’offres lancé a une
nouvelle fois été défavorable à CWT, de prime abord trop cher par
rapport à la concurrence. Dans ce genre de négociations, l’argent
demeure
le nerf de la guerre; mais c’est sur le long terme que les bilans se
tirent, Nestlé le sait désormais… Cerise sur le gâteau, une importante
banque privée genevoise devrait aussi tourner à CWT pour choisir aussi
un autre spécialiste du voyage d’affaires.

Momentanément, American Express sort vainqueur de ce combat des chefs.
Mais Amex devra faire vite, très vite, pour être en mesure de servir un
client aussi exigeant que l’ONU; il ne dispose que de quatre petits
mois pour tripler ses effectifs, former son nouveau personnel et
s’installer chez ses nouveaux clients. Une véritable gageure.

Certes, le réseau mondial d’American Express permet de choisir une
option provisoire: trouver dans ses propres effectifs le personnel
affecté à l’ONU. Mais là, deux problèmes se poseront: loger ces
personnes et les «mettre à niveau», c’est-à-dire les adapter aux
méthodes de travail d’ici. American Express le sait parfaitement, qui
programme actuellement des réunions d’information afin de séduire ce
nouveau personnel, si possible local.

De son côté, CWT réagira. Au plan humain, sa direction pour la Suisse
confirme que tout sera entrepris pour que la majorité des
collaborateurs conserve un emploi. Ce n’est donc pas de ce côté-ci
qu’American Express trouvera son bonheur. Mais CWT ne s’arrêtera pas
là. L’objectif avoué est de renforcer la structure romande au niveau
des ventes. Exposé clairement, cela signifie que CWT, très fort à
l’international, fera preuve d’agressivité sur tous
les plans et sur tous les segments de clients, localement s’entend. Car
il faudra bien compenser le plus rapidement possible la perte d’un
volume d’affaires de plus de 150 millions de francs.

La lutte ne sera pas inintéressante dans la mesure où la cible visée
sera celle des PME. CWT, grâce à son image et à ses services, devrait y
remporter de rapides victoires. Mais la concurrence ne sera pas
passive. A commencer par HRG qui doit impérativement se refaire une
santé, l’AVP qui privilégie le traitement de proximité et surtout
Kuoni, qui vit un renouveau en termes de voyages d’affaires. C’est bien
ce dernier qui pourrait profiter d’une situation tendue entre de grands
réseaux trop globaux que la perte de gros contrats fragilise du jour au
lendemain.