Le code MK ne suffira pas (Edition 2012-09)

Dominique Sudan à propos du retrait d’Air Mauritius

Dans l’ensemble de ses campagnes promotionnelles, l’île Maurice se positionne comme une destination haut de gamme. Son transporteur aérien apporte encore sa pierre à l’édifice en assurant les vols non-stop qu’exigent les clients haute contribution. Ce ne sera plus le cas en Suisse dès le mois de novembre: les consultants américains de Seabury APG, avec la énédiction d’Air France, ont réussi à imposer leur logique de hub alors que ni le produit, ni le marché ne vont dans ce sens. 

Qu’Air Mauritius (MK) soit fortement pénalisée par l’envolée des cours du pétrole est une réalité. Toutes les compagnies aériennes sont touchées, toutes lancent ou lanceront des programmes de réduction et de contrôle des coûts. Mais en se retirant définitivement de l’Allemagne et de Genève, MK scie la branche sur laquelle elle est assise. En 1998 déjà, Air France avait tenté sans succès d’imposer à sa «partenaire» de joint-venture la fermeture des escales européennes et la concentration des opérations sur Paris. Là, MK n’avait pas cédé, en dépit du fait qu’elle reste liée à Air France par cet accord de joint-venture qui sera caduc l’an prochain. Aujourd’hui, elle annonce la fermeture de Genève, yield le plus élevé de son réseau, et laisse la porte grande ouverte à Emirates. 

Comme elle l’avait fait lorsque MK ferma Zurich, la clientèle à l’origine de ce yield ne suivra pas: elle n’acceptera nullement la rupture dans les standards de qualité offerts depuis Paris, où Air France ne propose que quatorze sièges en Business Class. Tout bonnement impensable. Et si, aujourd’hui, MK traite déjà 30% de son volume suisse via Paris, c’est uniquement dû au fait que les passagers y bénéficient dans les deux sens de vols de nuit. Quant au vol Edelweiss de Zurich lancé précisément en raison des taux de progression sur Maurice, il est rempli à plus de cinquante pour cent par les vols européens de Swiss et n’offre pas de marge de manœuvre suffisante aux TOs. Et lorsque le marché stagnera, Edelweiss se retirera. 

Le fait que ni Mauritius Tourism ni les hôteliers locaux ne s’élèvent contre la fermeture de toutes les lignes européennes à l’exception de Paris et Londres ne manque pas d’étonner. En acceptant la politique du fait accompli, ils jouent sur du court terme et privilégient le volume au détriment de la qualité à laquelle ils aspirent pourtant. Or, ils ont tous deux besoin d’un transporteur national fort qui a été des années la carte de visite de l’île Maurice. En contrôlant rigoureusement ses coûts, MK fait juste. En accordant une confiance aveugle aux coûteux cabinets de consulting, elle fait faux. A moyen et long terme, sa survie passera par un partenaire stratégique solide qui comprendra la spécificité de son trafic purement Leisure. Car jamais le code MK apposé via deux hubs ne remplacera les vols non-stop.