Les cantons creusent le «Röstigraben» (Edition 2009-40)

Dominique Sudan à propos du chômage partiel chez Kuoni

On sait depuis longtemps que la Suisse souffre comme les autres pays
d’un grave problème conjoncturel, mais on constate depuis peu qu’un
inquiétant problème structurel vient s’y greffer. On en veut pour
preuve le refus unanime des cantons romands de donner une suite
positive
à la motion de chômage partiel présentée par Kuoni.

Au début du mois de septembre, la direction de Kuoni décidait de
diminuer le temps de travail de ses collaborateurs et de passer au
chômage partiel, mesure qui favoriserait le maintien des emplois dans
un contexte plus difficile que jamais. Cette mesure concerne désormais
le siège de Neue Hard, les différentes filiales de Kuoni Suisse et le
réseau de succursales. En Suisse alémanique, les cantons concernés ont
saisi l’importance de cette mesure provisoire et compris la position de
Kuoni. En Suisse romande, c’est à l’unanimité que les cinq cantons
abritant une ou plusieurs succursales Kuoni ont clairement fait savoir
qu’ils n’entraient pas en matière. Aujourd’hui, Kuoni n’a d’autre
solution que celle de faire recours contre cette décision tout en
entamant de longues discussions bilatérales avec les autorités très
procédurières de chaque canton.

Visiblement, Kuoni souffre d’un problème d’image au sein des
administrations concernées. Le fait d’être coté en bourse ne l’aide pas
non plus puisque ses résultats sont accessibles à tous. Société sans
allié, elle ne peut exercer aucun lobbying en haut lieu. Cette absence
de réseau et de relais politiques pèsent d’ailleurs sur toute la
branche comme l’atteste le traitement passé de nombreux dossiers chauds
touchant au segment outgoing. Vis-à-vis de l’extérieur, le groupe Kuoni
reste une entreprise internationale saine, avec un capital solide et
des résultats
globaux positifs. C’est dire l’incompétence crasse qui caractérise
l’ensemble des politiques en matière d’industrie touristique suisse.

En agissant de la sorte, les cantons romands creusent le «Röstigraben»
et prennent le risque de mettre en péril un certain nombre d’emplois.
Kuoni a pourtant été très clair quant aux conditions liées au chômage
partiel: pour une réduction du temps de travail n’excédant pas dix
pour-cent, le manque à gagner est pris en charge par l’entreprise.
L’aide de l’Etat n’est sollicitée qu’au-delà de ce seuil dont on peine
à croire qu’il sera franchi en Suisse romande: Kuoni y a déjà réduit
ses effectifs de huit unités depuis le début de l’année, toujours en
fonction de fluctuations naturelles et sans licenciement. Si les
cantons romands refusaient d’entrer en matière, la donne pourrait
changer et rien n’interdirait à Kuoni de prendre, malheureusement, des
mesures impopulaires dans certains endroits. Dans cette affaire, Genève
n’a pas vraiment montré l’exemple à suivre. Le conseiller d’Etat en
charge du département de la solidarité et de l’emploi serait pourtant
le plus à même de porter un jugement fiable sur l’état actuel de la
branche, lui qui préside en parallèle le conseil d’administration de
l’aéroport. Or, Genève a dit «niet» et l’esprit mouton (ou le téléphone
arabe) a immédiatement suivi.

Décemment, les cantons romands peuvent-ils se permettre de faire bloc
alors que Kuoni Suisse tente seulement de limiter les dégâts?