On sait depuis longtemps que la Suisse souffre comme les autres pays
dun grave problème conjoncturel, mais on constate depuis peu quun
inquiétant problème structurel vient sy greffer. On en veut pour
preuve le refus unanime des cantons romands de donner une suite
positive
à la motion de chômage partiel présentée par Kuoni.
Au début du mois de septembre, la direction de Kuoni décidait de
diminuer le temps de travail de ses collaborateurs et de passer au
chômage partiel, mesure qui favoriserait le maintien des emplois dans
un contexte plus difficile que jamais. Cette mesure concerne désormais
le siège de Neue Hard, les différentes filiales de Kuoni Suisse et le
réseau de succursales. En Suisse alémanique, les cantons concernés ont
saisi limportance de cette mesure provisoire et compris la position de
Kuoni. En Suisse romande, cest à lunanimité que les cinq cantons
abritant une ou plusieurs succursales Kuoni ont clairement fait savoir
quils nentraient pas en matière. Aujourdhui, Kuoni na dautre
solution que celle de faire recours contre cette décision tout en
entamant de longues discussions bilatérales avec les autorités très
procédurières de chaque canton.
Visiblement, Kuoni souffre dun problème dimage au sein des
administrations concernées. Le fait dêtre coté en bourse ne laide pas
non plus puisque ses résultats sont accessibles à tous. Société sans
allié, elle ne peut exercer aucun lobbying en haut lieu. Cette absence
de réseau et de relais politiques pèsent dailleurs sur toute la
branche comme latteste le traitement passé de nombreux dossiers chauds
touchant au segment outgoing. Vis-à-vis de lextérieur, le groupe Kuoni
reste une entreprise internationale saine, avec un capital solide et
des résultats
globaux positifs. Cest dire lincompétence crasse qui caractérise
lensemble des politiques en matière dindustrie touristique suisse.
En agissant de la sorte, les cantons romands creusent le «Röstigraben»
et prennent le risque de mettre en péril un certain nombre demplois.
Kuoni a pourtant été très clair quant aux conditions liées au chômage
partiel: pour une réduction du temps de travail nexcédant pas dix
pour-cent, le manque à gagner est pris en charge par lentreprise.
Laide de lEtat nest sollicitée quau-delà de ce seuil dont on peine
à croire quil sera franchi en Suisse romande: Kuoni y a déjà réduit
ses effectifs de huit unités depuis le début de lannée, toujours en
fonction de fluctuations naturelles et sans licenciement. Si les
cantons romands refusaient dentrer en matière, la donne pourrait
changer et rien ninterdirait à Kuoni de prendre, malheureusement, des
mesures impopulaires dans certains endroits. Dans cette affaire, Genève
na pas vraiment montré lexemple à suivre. Le conseiller dEtat en
charge du département de la solidarité et de lemploi serait pourtant
le plus à même de porter un jugement fiable sur létat actuel de la
branche, lui qui préside en parallèle le conseil dadministration de
laéroport. Or, Genève a dit «niet» et lesprit mouton (ou le téléphone
arabe) a immédiatement suivi.
Décemment, les cantons romands peuvent-ils se permettre de faire bloc
alors que Kuoni Suisse tente seulement de limiter les dégâts?

