Menace de phagocytose (Edition 2008-40)

Dominique Sudan à propos de Frantour/Railtour

Les filiales d’un même groupe doivent-elles se cannibaliser? Non, le
risque est bien trop grand. Mais depuis que les deux spécialistes sont
filiales de Kuoni, on peine vraiment à voir les fameuses synergies dont
on parlait lors du rachat de Frantour. Aujourd’hui, ce dernier prend
une
décision courageuse mais logique: il abandonne le produit «Les sables»
qui a toujours peiné à s’imposer et qui s’inscrit aujourd’hui dans un
contexte différent de celui qui prévalait lors du lancement il y a un
an. La mayon-naise n’a jamais vraiment pris et les agents de voyages
n’ont jamais eu le réflexe Frantour en termes de séjours balnéaires,
exceptions faites de la France et de l’Italie.

Son concurrent et néanmoins ami, Railtour, réorganise également sa
représentation romande installée depuis le début de l’année à la même
adresse que Frantour. Mais au final, les deux spécialistes se
concurrencent dangereusement.

Il est temps de mettre un peu d’ordre dans la maison, mission qui
incombe aux directions générales des deux spécialistes. Car il y a une
réelle menace de phagocytose: Sur trop de destinations, Frantour et
Railtour jouent des coudes, pour ne pas dire plus. Et leurs achats ne
sont nullement centralisés, handicap lourd pour l’un comme pour
l’autre.

A l’époque des dinosaures qu’étaient Rouvinez et Keller, il était de
bon ton de se tirer dans les pattes. Mais sous le toit Kuoni, la
situation a évolué et les directeurs actuels sont ouverts au dialogue
contrairement à leurs prédécesseurs qui se regardaient en chiens de
faïence. La logique voudrait que les deux spécialistes très bons sur
leurs terrains de chasse respectifs ne se concurrencent plus. Il
conviendrait de définir rapidement les zones géographiques que l’un et
l’autre maîtrisent parfaitement: la France avec Paris et l’Italie pour
Frantour, l’Allemagne, les villes de l’Est et les pays baltes pour
Railtour. De son côté, Kuoni devrait aussi songer à revoir son approche
des voyages intervilles. Abondance de biens nuit, et c’est précisément
ce qui se passe actuellement: Pourquoi s’évertuer à programmer les
mêmes métropoles, les mêmes spectacles et les mêmes hôtels via deux
filiales, Frantour et Railtour, et deux marques de la maison, Kuoni et
Helvetic? D’autant que chac-un reconnaît que le segment interville
évolue et que «dynamic packaging» modifie considérablement la donne.

Pour ce qui concerne les produits plus thématiques, la liber-té de
mouvement reste de mise entre Frantour et Railtour mais, dans leur
«core business», les deux filiales de Kuoni doivent aussi réunir leur
force de frappe en réalisant des achats communs. Ce n’est pas le cas et
cela peut être dangereux pour les deux, tout simplement parce que Kuoni
qui n’a rien d’un philanthrope fixe des objectifs ambitieux que les
deux filiales n’atteindront pas si elles continuent de se battre pour
la même part du gâteau. Ensemble, la maison-mère et ses deux
spécialistes doivent vraiment s’interroger sur les options stratégiques
qu’il convient de définir pour ne pas être contraint de tailler dans le
vif.