Plus de pilote dans l’avion (Edition 2007-18)

Dominique Sudan à propos de Lufthansa

Aussi bonne soit-elle pour le support aux agences de voyages, aussi discutable est-elle pour l’image de la compagnie: «Under one roof» oblige, Lufthansa n’aura plus de responsable pour la Suisse romande, une première dans l’Histoire. Si la récente réunion sous un même toit (celui de Swiss) des équipes de vente et de réservation de Lufthansa permet de maintenir un traitement local et personnalisé des distributeurs, l’absence d’un vrai responsable régional se fera sentir tôt ou tard.

Car il n’appartient pas à Swiss ni à son directeur pour la Suisse francophone de défendre les intérêts commerciaux de la compagnie allemande sur l’important marché romand: en effet, les trois «Sales» de Lufthansa dépendent désormais de la direction de Zurich, avec l’éloignement physique et psychologique que cela implique. Quant à Swiss, elle est contrainte d’appréhender le marché romand en poussant trois hubs, dont Zurich, sa priorité.

Or, Lufthansa pèse lourd ici: les deux hubs de Francfort et Munich sont reliés à Genève huit fois par jour; Hambourg, Düsseldorf et Stuttgart complètent le programme; la part des passagers poursuivant leur voyage au-delà des deux plates-formes allemandes est extrêmement élevée, celle des voyageurs de «haute contribution» l’est tout autant. Lufthansa est également un ténor en matière de parts de marché BSP et son chiffre d’affaires annuel réalisé sur la seule Suisse romande peut être estimé à près de 80 millions d’euros. Mais il n’y aura plus de pilote dans l’avion lorsque Werner Kellerhals aura emménagé à Tunis.

Or, la stratégie «Under one roof» n’interdisait nullement le maintien à Genève d’un poste de directeur régional. Lufthansa ne l’admet pas encore mais elle a grand besoin d’un ambassadeur permanent en Suisse romande. Pour préserver ce qui n’est jamais acquis face à une concurrence franco-anglaise qui, elle, conserve une importante structure commerciale sur place. Les grands clients de Lufthansa – ils sont légion dans la Genève internationale – apprécieront diversement de ne plus avoir d’interlocuteur direct au niveau du management.

Restructurer dans le but de réduire les coûts est une chose, courir le risque de perdre en visibilité en est une autre. C’est cette option que Lufthansa a choisie en Suisse romande. Il n’est pas sûr du tout qu’elle ne revienne pas un jour sur sa décision.