Depuis le 1er octobre, Emirates a augmenté de 15% la capacité sur Zurich en introduisant un deuxième Airbus A380. Peu avant, le CCO dEmirates sest déplacé en Suisse et a abordé divers thèmes dans le cadre dune discussion exclusive. Thierry Antinori face
au marché suisse:
Le produit est bon, léquipe est bonne, le pouvoir dachat est bon. Les Suisses comprennent notre souci de la qualité et sont prêts à payer pour de bonnes prestations. Le premier A380 sur la route de Zurich a boosté le marché suisse; il en ira de même avec le deuxième A380, dautant quil sagit dun vol du soir. Nous lancerons comme dhabitude des actions sporadiques, mais nappliquerons pas les prix les plus bas du marché. Nous ne pourrions pas nous permettre de pratiquer des prix aussi bas que Swiss sur Dubaï.
Genève constituerait également un candidat pour lA380, surtout en raison des réservations en First et en Business Class. Mais linfrastructure de laéro-port ne le permet pas. Mais une autre idée pour le futur: pourquoi pas un troisième vol sur Zurich? Cela a fonctionné à Manchester, à Milan ou à Rome. Au final, cest le client qui décidera.
à lA380:
Nous exploitons une flotte de 67 Airbus A380, et 73 autres sont commandés. Cet appareil convient extrêmement bien à la clientèle. Il est vrai que lA380 est actuellement moins demandé chez dautres compagnies. Si cela fonc-tionne chez nous, cest par le fait que nous offrons un excellent service et le meilleur rapport qualité/prix, et que nous exploitons un hub «longhaul to longhaul».
Il faut avoir en outre la vision qui correspond et un peu de courage dans ce domaine. Beaucoup de dirigeants de compagnies aériennes pensent plutôt de manière conservatrice: des capacités réduites, des recettes assurées et moins de risque en basse saison. Notre président, Sir Tim Clark, la parfaitement formulé: «Lindustrie aérienne a besoin aujourdhui dun nouvelle graine de managers.»
au marché Europe-Asie:
On nous reproche en Europe de tirer vers le bas le marché à destination de lAsie avec notre pricing. En fait, nous ne réduisons nos tarifs que si une concurrence agressive nous y contraint presque. Nous le faisons très rarement de manière proactive. Et si cela arrive, cest seulement hors saison pour stimuler ponctuellement la demande.
Je ne pense pas que les Européens perdent des parts de marché en raison de nos prix, mais parce que le client opte pour notre produit et la densité de nos liaisons.
aux alliances et aux partenariats:
Nous préférons investir dans notre marque et dans notre produit que dans des alliances. Pourquoi? Nous voulons dabord être consistants vis-à-vis de nos clients et avoir le contrôle de loffre et du produit. Le risque de délayage existe avec les alliances.
Ensuite, nous sommes les seuls à utiliser Dubaï comme hub. Enfin, les discussions portant sur loptimisation des capacités débutent dès le moment où lon entre dans une alliance. Nous ne voulons pas de cela. Selon divers experts, nous serions 20 à 30% plus petits si nous avions fait le choix dentrer dans une alliance.
Nous privilégions la voie de partenariats comme cest le cas avec Qantas, ou avec Easyjet en termes de pro-gramme de fidélisation. Notre concurrent Etihad Airways compte plus fortement sur les participations et les partenariats. Mais la situation est différente: la compagnie est plus jeune et donc plus petite que nous. Etant donné quelle nest pas en mesure de refaire son retard plus rapidement avec une croissance organique, elle grandit via des partenariats.
à la qualité des recettes:
La pression sur les recettes par siège est forte. Le nombre de passagers doublera, il est vrai, dici 2030, mais lindustrie aérienne est un marché fragmenté et les obstacles dentrée pour les airlines ne sont pas particu-liè-rement élevés. Malgré une croissance de 60% au cours des quatre dernières années, nous ne sommes pas parvenus à augmenter légèrement la recette moyenne.
Ce fut possible en portant plus fortement laccent sur la clientèle dentreprises, entre autres par lamélioration de notre programme de fidélisation. Mais Dubaï sest aussi fortement développé en tant que ré-gion, raison pour laquelle nous enregistrons davantage de trafic point à point générant un yield plus élevé.
aux reproches de subventionnement des USA:
A notre création, nous avons obtenu de notre actionnaire, lEmirat de Dubaï, un capital de départ de 10 millions de dollars US, ainsi que divers investissements de lordre de 80 millions. Cest tout. Et à cause des accusations de la troïka américaine pilotée par le CEO de Delta, Richard Anderson, nous devrions maintenant prouver dans un document global et fourni que ces accusations sont sans fondement.
Sur ce point, je ne comprends pas tout à fait les compagnies américaines: elles font partie des plus bénéficiaires au monde, mais leur produit devient toujours plus obsolète. Elles placent les besoins de leurs actionnaires devant ceux des clients nous faisons exactement linverse. Et les airlines américaines sont ensuite irritées face à la qualité de notre produit.
aux droits de trafic:
Nous envisagerions encore quelques possibilités, que nous ne pouvons pas concrétiser en raison des droits de trafic. Par exemple, nous volerions volontiers sur Berlin, mais nous avons déjà épuisé notre contingent de quatre destinations allemandes. Sur Paris, nous avons droit à 20 vols par semaine, et non 21. Par conséquent, nous ne pouvons pas voler trois fois par jour.
Le ministre des Transports nous a déclaré que «si nous souhaitions un horaire plus pertinent, nous devrions redescendre à 14 vols». Il me semble curieux que de telles décisions soient partout du ressort des ministres des Transports. Ils sentretiennent avec leur compagnie nationale et le cas est ensuite réglé. Les pays concernés y gagneraient davantage si de tels dossiers étaient entre les mains du ministre du Commerce ou du Tourisme.
aux 30 ans dEmirates:
Il ny aura aucune fête. On ne se fête pas soi-même. Le président de la direction nous fera sans doute parvenir une note interne, mais, comme tous les autres jours, lattention sera portée au client et au marché. Pas à nous-mêmes.
Stefan Jäggi*
*adaptation: Dominique Sudan