Railtour devient tuteur de Frantour (Edition 2008-48)

Dominique Sudan à propos de Frantour

Si l’on change les joueurs clés d’une équipe, il convient aussi d’en
changer l’entraîneur. Telle est la réflexion que s’est faite Guy
Schoenenberger, directeur sortant. Une décision courageuse qui
s’explique: Werner Schindler, directeur de Railtour, jouera un rôle
central pour les deux marques dans les domaines IT et Finances. Cela,
il était hors de question que Guy Schoenenberger l’accepte. Il tire
donc sa révérence après avoir été pendant plusieurs années le deuxième
directeur de Frantour après Roger Rouvinez, fondateur de l’entreprise.

Aujourd’hui, Kuoni prend les choses en main: les résultats des deux
dernières années étaient médiocres, estime Kuoni, et le budget n’a pas
été atteint par Frantour, contrairement a Railtour. Dans les
circonstances actuelles, Kuoni ne saurait prétendre le contraire
puisqu’elle a désigné Railtour comme tuteur de Frantour. Mais lorsque
Kuoni ouvrait une ligne de crédit pour sauver Frantour au moment où
l’actionnaire italien CIT était insolvable, la rentabilité était-elle
vraiment là? On se contentera d’affirmer qu’à l’époque, Kuoni avait
investi quelque 8,5 millions de francs dans la reprise de Frantour
alors que l’offre d’Hotelplan était inférieure à 7 millions.
Visiblement, Kuoni avait alors racheté un nom tout à fait porteur sur
le marché; mais Kuoni n’investissait pas dans le futur. L’entreprise
voulait surtout éviter que Frantour passât chez le concurrent Hotelplan
qui, lui, ne perdait pas de parts de marché sur le marché romand.

«Da Vinci Code» à la sauce voyages. Ainsi pourrait se résumer la
décision stratégique brutale d’aujourd’hui. Dans un portefeuille où les
deux marques ferroviaires se concurrencent dans certains domaines,
Kuoni a trouvé la parade: il ne s’agit nullement d’une fusion mais de
l’exploitation de synergies importantes dans les domaines technologique
et financier où d’importantes économies pourraient être réalisées.
Ainsi, l’application ferroviaire Da Vinci développée par Railtour
a-t-elle eu raison de l’indépendance de Frantour.

Pour le reste, Frantour et Railtour ont des champs d’activité
différents, leurs points forts sont aussi distincts et ils doivent
demeurer concurrents. Les achats resteront aussi séparés entre Genève
et Berne, sauf sur certaines destinations communes au potentiel limité.
Quant aux perspectives, elles demeurent bonnes pour Frantour sur ses
deux marchés de prédilection, la France et l’Italie.

C’est sans doute vrai. Mais Kuoni devrait peut-être se poser la
question cardinale: n’a-t-il pas commis une bourde stratégique en
voulant reprendre Frantour? N’a-t-il pas fixé des objectifs
stratégiques trop élevés pour la marque sise a Genève? Kuoni n’oublie-
t-il pas non plus que Railtour avec qui le partenariat est bien plus
ancien réalise un chiffre d’affaires important dans l’Incoming suisse?

Enfin, pourquoi Kuoni ferme-t-il délibérément les yeux sur le fait que
le produit «Les sables» imposé a Frantour est un fiasco complet qui
laisse des traces profondes dans un exercice financier? Autant de
questions auxquelles personne ne répondra jamais clairement à Neue
Hard. Toujours est-il qu’aujourd’hui, Kuoni est entre deux feux: son
portefeuille de filiales compte une marque de trop dans les intervilles
et le ferroviaire. Qu’il l’admette ou non, Kuoni devra aussi revoir à
la baisse ses objectifs dans un segment intervilles en pleine mutation.
Et là, Frantour ne saurait être tenu pour responsable de l’évolution de
la clientèle.