Statu Quo en 2009, et après? (Edition 2008-42)

Dominique Sudan à propos de Frantour/Railtour

Depuis plusieurs semaines, différentes hypothèses ont été émises, qui
portent sur une intégration plus ou moins forte du Tour Operating et
des achats de Frantour et Railtour, deux marques autrefois concurrentes
et qui font désormais bon ménage sous le toit Kuoni. C’est bien connu,
les rumeurs transpirent plus vite que les sportifs.

En 2005, lorsque Frantour passait sous «Chapter 11» suite à la
défaillance de son actionnaire unique, l’Italienne CIT, Kuoni se
mettait immédiatement sur les rangs en ouvrant une ligne de crédit dont
le montant restait confidentiel. Kuoni voulait gagner la bataille du
rail et jouait des coudes pour qu’Hotelplan, également intéressé à la
reprise, n’en sorte pas gagnant. Kuoni était en position de force. Et
Hotelplan, sûr de son fait, n’estimait pas que la valeur de Frantour
devait être supérieure au montant mis alors sur la table. La suite est
connue: Kuoni prenait le contrôle total de Frantour et ajoutait à son
portefeuille un spécialiste confirmé, jusqu’ici concurrent de Railtour.
A ce moment-là, Kuoni avait la partie facile: Hotelplan traversait une
énième période de transition et avait la tête ailleurs. Il n’est pas
certain du tout que les choses se passeraient de la même manière si
l’interlocuteur était celui d’aujourd’hui, à savoir M-Travel
Switzerland.

Directeur de Frantour, Guy Schoenenberger apporte ici d’intéressants
éclaircissements quant au profil des deux spécialistes: la concurrence
existe mais elle reste marginale; l’ancrage sur le marché, l’approche
de celui-ci et la clientèle sont différents. Les synergies existent,
mais à l’interne. Certes, mais la pression sur les courts séjours est
une réalité. Et elle contraint les spécialistes à s’y adapter en
offrant la valeur ajoutée qui décidera le client.

Kuoni, de son côté, laisse une grande marge de manœuvre aux deux
marques. Tant que les résultats suivent, il n’y a pas lieu de
s’inquiéter. Mais en tenant compte de la pression évoquée ci-dessus et
du prix moyen des arrangements des deux TOs sur les destinations où ils
se concurrencent directement, on peut affirmer qu’à moyen terme,
Frantour et Railtour devront vraiment jouer la carte de la
complémentarité. Y compris dans les rares cas où ils se concurrencent.

Dans la distribution aussi, la consolidation se poursuit. Les
indépendants doivent procéder à certains choix et nul ne sait ce que le
réseau des Agences de voyages CFF sera demain. Sur le marché,
l’équilibre est de toute manière faussé puisque un seul des grands TOs
contrôle les deux spécialistes du ferroviaire et des intervilles. Mais
Kuoni s’en contentera dans la mesure où il est préférable de gérer une
concurrence interne plutôt que de se battre contre «l’autre» grand TO.

Un autre grand TO qui doit d’ailleurs se mordre les doigts: pour
quelques centaines de milliers de francs de plus, il aurait pu s’offrir
Frantour. Mais Kuoni avait senti le vent tourner et agi immédiatement.
Il savait pourquoi: en prenant le risque de contrôler deux marques
concurrentes, il s’offrait pour un montant que l’on peut estimer à
quelque huit millions
de francs seulement un savoir-faire unique que l’on ne retrouve pas ailleurs. C’est sans doute pour cela que Kuoni laisse faire.