Un dilemme cornélien (Edition 2010-21)

Dominique Sudan à propos des PME face à la succession

Le tissu économique du pays étant ce qu’il est, aucune entreprise n’y échappe: tôt ou tard, elle devra résoudre un important problème de succession. La branche n’y échappe pas.

Dans les deux dernières décennies, de nombreuses PME y ont déjà été confrontées. Selon l’option choisie, certaines ont été rayées de la carte des voyages (Danzas Voyages, Lavanchy) alors que d’autres ont eu la main plus heureuse en gardant un relative autonomie (Tourisme Pour Tous). Deux cas récents ont marqué la Suisse romande: ceux de Départ Voyages et Vos Voyages.

Dans le premier cas, le relationnel pur a parfaitement fonctionné entre Jacquy Boinnard et Patrick Bourdain, qui souhaitait se retirer. Départ Voyages et ses deux marques trouvaient exactement ce qu’elles recherchaient: la pérennité d’une entreprise florissante, sous le toit d’Albertsen. Dans le second, un heureux concours de circonstances permit à Willy Mattmann de céder son réseau à un indépendant, CAT Travel. Mais aucune recette miracle n’existe puisque chaque PME constitue un cas particulier. 

De toute manière, les pistes ne sont guère nombreuses pour une PME se retrouvant dans cette situation. Céder son entreprise à un grand, c’est encourir le risque de la voir démantelée très rapidement, les grands ne s’intéressant qu’à une marque forte et renonçant aux autres segments d’activités. De plus, leur calcul est rapidement fait: sur la base du chiffre d’affaires, les grands et leurs intermédiaires ne s’intéresseront à l’affaire que si le rendement se situe aux alentours de dix pour-cent. 

La branche demeure formée de jeunes parfaitement formés et compétents mais, là aussi, la succession se corse: dans le climat actuel, on hésite très souvent à se mouiller et à prendre un risque financier. Or, cette approche était différente il y a une trentaine d’années où les fondateurs de l’époque étaient peut-être plus utopistes. Mais la plupart des pionniers de l’époque sont encore là, ce qui prouve qu’ils ne rêvaient pas. 

Il serait bon pour tout le secteur des voyages qu’un maximum d’entreprises indépendantes survivent au départ à la retraite des éminences grises qui leur ont donné naissance. Ne serait-ce que pour préserver un certain équilibre dans la branche. Mais pour ce faire, il conviendra aussi de ne pas être trop gourmand en articulant au final le prix de vente.

Le fait est que les grands, aujourd’hui, tiennent le couteau par la manche car de vraies solutions de reprise à l’interne sont rares. Et elles n’existent presque pas à l’externe. Savoir s’ils souhaitent conserver à la fois des TOs et des détaillants indépendants, telle est la question cardinale. Il sera d’autant plus intéressant d’assister au prochain symposium qui sera mis sur pied en novembre à Montreux lors du TTW. Car nombre d’entreprises suisses se trouvent dans la même situation.