Une compagnie qui se hâte lentement (Edition 2010-50)

Cédric Diserens à propos d’Emirates à Genève

Depuis quelques années, Emirates semblait avoir manqué une opportunité de développement. Non pas que Genève soit une plate-forme mondialement incontournable, mais plutôt parce que le succès presque fulgurant d’Etihad Airways et de Qatar Airways a montré à quel point il y avait une demande pour le Moyen-Orient et au-delà. Mais comme le veut l’adage, il faut se méfier de l’eau qui dort.

Ce qui n’était que rumeurs ou option à l’étude pendant quelque temps, devrait se concrétiser dès juin prochain. De son côté, l’Aéroport International de Genève peut se réjouir, car il va bénéficier d’une ouverture de plus sur le Moyen-Orient, avec de nombreuses options sur le réseau d’Emirates au-delà de Dubaï. Qui plus est, la compagnie de Dubaï a su conquérir une partie de la clientèle romande, même si les départs se faisaient de Zurich.

Personne ne saurait dire comment la situation évoluera avec trois acteurs originaires de la même région (Etihad, Qatar et Emirates) sur un marché relativement petit comme celui que représentent la Suisse romande et la région de France voisine. Faudra-t-il s’attendre à une guerre des tarifs tirant les revenus vers le bas? Ou alors y aura-t-il des abandons à terme? Difficile de croire que le marché est assez grand pour trois concurrents sur des segments identiques.

Mais d’autres compagnies sont également concernées par ce nouveau venu. Ainsi, Turkish Airlines et son réseau d’Asie devra compter avec la concurrence d’Emirates. Swiss International Air Lines verra peut-être le volume du trafic d’apport sur Zurich diminuer, ainsi que sur les vols entre Zurich et Dubaï. Le client direct ne sera pas le seul à être affecté par cette nouvelle offre. Les voyagistes seront également amenés à revoir leur offre.

Sous-continent indien, Asie du Sud-Est, Australie et Nouvelle-Zélande, océan Indien… Si l’on ajoute à cette offre l’image reconnue d’un produit de qualité supérieure et d’un immense degré de notoriété, nul doute que l’impact sera fort. Ainsi même le vol d’Edelweiss sur l’île Maurice pourrait perdre son intérêt pour une partie des Romands qui ne souhaitent pas emprunter la plate-forme zurichoise. Ceci même si, pour le moment, la clientèle helvétique considère Dubaï et Maurice séparément et privilégie les vols directs.

Toutefois le plus grand atout qui paraît jouer en faveur d’Emirates, c’est le hub de Dubaï. La tendance d’un dé-placement géostratégique vers le Golfe semble bien en marche. Et ce ne sont pas les hubs plus que saturés de l’Europe (Francfort, Londres, Paris) qui viendront changer la donne de manière significative.

Reste à évaluer concrètement l’accueil que recevra Emirates de la part de la clientèle, ainsi que l’évolution du trafic dans les deux sens. Certes, Genève est la ville des Nations Unies et autres ONG, mais elle n’a pas encore un caractère de hub international et son offre en continuation a encore besoin d’être étoffée afin de la doter d’un véritable programme de plaque tournante.