Vers la mort de l’artisanat? (Edition 2008-07)

Cédric Diserens a propos de l’accord Swiss/Kuoni

Depuis quelque temps, Swiss (avec l’aide de sa grande sœur Lufthansa)
donne des signes d’une attitude hautaine et semble plus que jamais
vouloir faire cavalier seul dans le monde des voyages de notre pays.
Aujourd’hui, la tendance semble se confirmer avec l’annonce du
partenariat Swiss/Kuoni. Les agences de voyages ont de quoi se sentir
quelque peu abandonnées et il semblerait que le fair-play soit
résolument à placer dans les valeurs désuètes.

Avec cet accord, les producteurs s’associent pour démarcher directement
le client, au détriment du distributeur qui ne semble plus être le
bienvenu. Cela se ressent dans les termes qu’utilise Kuoni lorsqu’il
est clairement dit, en parlant de la vente des hôtels du voyagiste sur
le site Swiss.com, que «ces offres qui s’adressaient jusqu’ici
exclusivement aux bureaux de voyages et à d’autres voyagistes pourront
aussi être utilisées par des privés».

Bien entendu, on ne peut pas totalement exclure l’intermédiaire, alors
on l’associe pour la vente «de sièges individuels sur les vols
d’Edelweiss Air qui seront par ailleurs commercialisés par le biais de
Swiss.com, des bureaux de voyages, des Call Centers et de kuoni.ch»,
toujours Kuoni dixit. L’agent de voyages est parqué quelque part entre
le site et les Call Centers des deux prestataires. De là à tirer un
parallèle avec «l’affaire» Helvetic Tours… il n’y a qu’un pas.

Il est surprenant de voir qu’un membre de la Fédération suisse des
agences de voyages (FSAV) agisse de manière aussi agressive envers les
agences de voyages en les court-circuitant clairement sur un segment de
vente non négligeable. En proposant cette alternative, on peut en effet
imaginer qu’une bonne partie de la clientèle de séjours balnéaires
passera directement par cette brèche ouverte par les deux fournisseurs.

On serait tenté de penser que certains ont la mémoire bien courte et
ont oublié que si Swiss a pu renaître des cendres de Swissair, c’est
aussi grâce aux agences qui ont joué le jeu face à une clientèle qui
n’avait plus confiance. Quant à Kuoni, l’image d’une certaine arrogance
semble déjà circuler depuis quelque temps au sein des agences de
voyages.

Mais chaque histoire possède deux côtés: il faut peut-être également se
demander si l’industrie des voyages, telle qu’on la connaît
aujourd’hui, n’est pas appelée à connaître la mort de l’artisanat.
Peut-être n’y a-t-il plus suffisamment de place pour tout le monde
aujourd’hui, et seuls les plus inventifs et téméraires sauront tirer
leur épingle du jeu?㍦