
Année après année, le nombre de nouveaux apprentis se réduit comme peau de chagrin dans le secteur des voyages en Suisse romande.
À la dernière rentrée de septembre, on ne comptait que neuf nouveaux apprentis romands, dont cinq en formation dans les réseaux d’Hotelplan et de Kuoni. «La situation devient vraiment grave en Suisse romande. Il est plus que jamais l’heure de tirer la sonnette d’alarme car nous pourrions perdre cette filière extrêmement importante pour le futur de notre branche», a lancé David Léchot, vice-président de la coopérative Travel Professionals Switzerland (TPS) lors de l’AG 2025.
Où le bât blesse-t-il? Interview avec David Léchot, par ailleurs président du Groupement des agences de voyages fribourgeoises (GAVF), membre du comité de la Fédération suisse du voyage (FSV) et directeur d’Indalo Space.
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David Léchot, depuis plusieurs années, les responsables de la formation mettent le doigt sur cette problématique. Depuis quand cette situation inquiète-t-elle?
Si l’on remonte à plusieurs années, l’abandon de la formation par Login s’était traduite immédiatement par un recul du nombre de nouveaux apprentis. Mais c’est bien depuis la pandémie de Covid-19 que la baisse s’est accélérée. Que peut-on faire d’autre si ce n’est en parler? Le responsable de la formation en Suisse romande Stéphane Jayet a d’ailleurs soulevé ce problème à maintes reprises ces dernières années.
Y voyez-vous un manque d’attrait pour la profession?
Nullement. Le nombre de dossiers qui parvient sur Orientation.ch prouve le contraire.
TPS, voire TPA dans le passé, ne sont pas toujours distingués par leur engagement en matière d’apprentissage. Le potentiel existe donc?
Il faut nuancer. Dans nos entreprises membres de TPS et/ou TPA, Dominique Evéquoz et moi-même avons formé 24 et une trentaine de nouveaux apprentis, respectivement. D’une manière générale, le potentiel existe partout. Mais certains indépendants et certains cantons sont plus actifs que d’autres dans la formation.
J’ai d’ailleurs eu plusieurs réactions positives lors des discussions informelles qui se sont poursuivies en soirée lors de l’AG de TPS.
La dernière réforme de la formation employés de commerce explique-t-elle en partie le recul actuel?
Chaque réforme de la formation – et il y en eut – est problématique. Les changements dont il est question ont un impact plus fort sur les petites entreprises qui n’ont peut-être pas le même «human power» que les grands réseaux. La dernière réforme n’a pas aidé, c’est un fait, car nous ne pouvons pas être connectés en permanence sur le nouveau système.
Certes, tout change pour les formateurs, qui sont astreints à cinq jours de cours pour assimiler les changements opérés. Il peut y avoir une part de mauvaise volonté chez certains, mais ce n’est de loin pas une règle générale. Mais je reste convaincu que les agences privées formant des apprentis se mettraient volontiers à la disposition de celles qui hésitent à s’y mettre pour leur expliquer ce qu’implique vraiment l’apprentissage nouvelle formule.
Le récent rachat d’Hotelplan amplifie-t-il les craintes en matière de formation?
De nombreux points sont encore en suspens dans ce rachat. Mais depuis de nombreuses années, Hotelplan et Kuoni ont formé en moyenne deux tiers des apprentis en Suisse romande. Leur engagement a toujours été exemplaire. Il est impossible de savoir aujourd’hui s’il en ira de même dans les prochaines années.
À Montreux, vous avez dit que le risque est réel que la voie de l’apprentissage soit dans impasse à court terme. Pourquoi?
Pour une simple raison de coûts globaux. Le minimum requis pour la mise en place d’une nouvelle classe est fixé à 10 apprentis. Or nous n’en avons que neuf cet automne en raison d’une rupture de contrat intervenue en juillet chez Kuoni Fribourg.
Si l’on devait déplorer d’autres ruptures de contrat en cours de route au sein de cette nouvelle volée 2025/28, la situation deviendrait très inquiétante car rien n’indique que la FSV continuerait d’accorder son soutien financier à l’apprentissage en Suisse romande. Et si l’apprentissage d’agent de voyages était condamné, la contribution de solidarité le serait aussi en Suisse romande.
Bien sûr, nous pourrions toujours former des apprentis de commerce CFC; mais rien ne saurait remplacer les cours inter-entreprises qui ouvrent les jeunes à notre monde des voyages.
N’avez-vous pas parfois l’impression de prêcher dans le désert?
Je préfère positiver. Certains n’osent pas faire le pas sans savoir comment se déroule vraiment la formation. Ils doivent pourtant se rappeler que chaque Groupement cantonal d’agences de voyages dispose de son propre responsable de la formation, prêt à fournir en permanence tous les détails voulus.
Il nous incombe de faire perdurer la formation d’agents de voyages et de nous investir pour chaque cycle de trois ans. Les chefs d’agence doivent aussi savoir que le rôle de formateur n’est pas forcément celui du patron. S’ils interrogeaient leur propre personnel sur l’intérêt porté en interne à l’apprentissage, ils se rendraient compte que certaines personnes de leur propre staff sont prêtes à s’investir pour la relève. Tel est d’ailleurs le cas dans mon entreprise.
Dominique Sudan








