Faut-il craindre Easyjet Holidays?

Après le Royaume-Uni, Easyjet Holidays débarquera en Suisse cet été. Mais que dire du respect de la loi sur les voyages à forfait?
Garry Wilson ©Easyjet Holidays

Easyjet Holidays représente l’entrée d’Easyjet dans le segment de la vente de séjours de loisirs, à l’image de ce que font depuis longtemps certaines compagnies aériennes comme Emirates ou Qatar Airways. Le hic, c’est que la compagnie Easyjet, en raison de la densité de son réseau à Genève, est le partenaire aérien de la plupart des TOs pour le balnéaire classique court et moyen-courrier. Et donc Easyjet Holidays sera le concurrent direct de ces mêmes TOs!

Ici, pas question de «low cost», on parle davantage de «value for money». Le principe se différencie toutefois de celui des compagnies aériennes traditionnelles: «Là où les compagnies aériennes standard voient la vente de séjours comme ancillaries, nous adoptons une approche différente.  Nous avons choisi de créer une marque à part, parce qu’il n’est pas question d’interférer dans la marche de la compagnie aérienne», expliquait il y a quelques jours à TRAVEL INSIDE Garry Wilson, CEO d’Easyjet Holidays.

Après un lancement retardé en raison de la pandémie, les résultats sont là. En 2022, première année réelle d’opération, plus de 1,1 million de voyageurs du Royaume-Uni ont choisi Easyjet Holidays. Forte de ce succès, l’entreprise mise sur une croissance de 60% pour cet été.

L’offre de la marque repose sur le réseau de la compagnie aérienne. On retrouve donc des séjours balnéaires ou citadins. Pas question cependant de vendre du last minute, la réservation ouvre six mois avant celle des vols. «Nous ne faisons pas du Low Cost, car 75% de notre offre se compose d’hôtels 4 ou 5 étoiles.»

Qu’en disent les professionnels?

Olivier Emch, directeur d’Executive Travel, président du GAVG et membre du comité de la FSV. © màd

Président du Groupement des agences de voyages de Genève, Olivier Emch répond dans le quotidien le Temps ne pas voir l’arrivée d’Easyjet Holidays comme une menace: «Très honnêtement, je ne suis pas sûr que ce soit une concurrence très difficile pour nous, parce que la clientèle prête à parier sur le Low Cost pour ses vacances représente un segment très spécifique.»

Sur ce point, Garry Wilson se défend de vendre du Low Cost: «Pas question cependant de vendre du last minute, la réservation ouvre six mois avant celle des vols. Nous ne faisons pas du Low Cost, car 75% de notre offre se compose d’hôtels 4 ou 5 étoiles.»

Stéphane Jayet, vice-président de la FSV. ©màd

Dans le même quotidien, Stéphane Jayet, vice-président de la Fédération suisse du voyage (FSV), partage toutefois l’avis d’Olivier Emch: «Bien sûr que c’est un concurrent dans notre carré opérationnel, mais d’un autre côté la plate-forme Easyjet proposait déjà une foule de prestations complémentaires: réservation de voitures, d’hôtels et d’excursions.» Pour Stéphane jayet, l’offre d’Easyjet Holidays devrait surtout toucher une clientèle déjà habituée à réserver ses voyages par ce biais.

Hotelplan indique pour sa part attendre de voir comment l’activité de voyages à forfait d’Easyjet se développera: «En comparaison avec Easyjet, nous offrons un conseil personnalisé, un service pendant et après le voyage, et les séjours de notre clientèle sont couverts financièrement par le Fonds de garantie. Hotelplan pointe la nécessité que les offres d’Easyjet Holidays soient également soumises à la loi sur les voyages à forfait et que la clientèle soit ainsi couverte en conséquence.»

Quid du Fonds de garantie?

A ce propos, Easyjet Holidays a indiqué à l’annonce de son développement en Suisse que pour les séjours vendus en Suisse, l’International Passenger Protection (IPP) assure les passagers et leur argent. Cette IPP est-elle reconnue dans notre pays?

Marco Amos, directeur du Fonds de garantie. ©TRAVEL INSIDE

Marco Amos, directeur du Fonds de garantie de la branche suisse des voyages, apporte ici de précieux éclaircissements: «Premièrement, la loi suisse sur les voyages à forfait s’applique aux entreprises domiciliées en Suisse. Nous devons donc examiner les conditions générales pour savoir qui est le partenaire contractuel du consommateur. Mais, à ma connaissance, il n’existe pas encore de société domiciliée en Suisse, Easyjet Holidays Suisse ou similaires. Je suppose donc que toute personne réservant un voyage à forfait chez Easyjet Holidays le fera probablement avec la compagnie au Royaume-Uni. Cette compagnie est réglementée par le droit anglais. C’est un désavantage, surtout en cas de faillite, pour un client suisse.»

Quant à la reconnaissance de cette IPP, elle n’est pas reconnue par le FSV: «Bien que la loi suisse sur les voyages à forfait exige une assurance contre l’insolvabilité, elle ne précise pas en quoi elle doit consister. L’IPP offre certainement le service d’assurance contre l’insolvabilité pour les tour-opérateurs (voir le site Package Travel Regulations | Package Travel Regulation Insurance | IPP – International Passenger Protection (ipplondon.co.uk)), mais dans le même temps, cette garantie n’est pas reconnue par la FSV. Une éventuelle société suisse Easyjet Holidays ne pourrait donc pas adhérer à la FSV. Je ne sais pas si, en cas de litige, un tribunal considérerait l’IPP comme une garantie suffisante pour le marché suisse. Si j’étais Easyjet Holidays et que je voulais créer une société de vente de voyages à forfait en Suisse, je deviendrais absolument membre du Fonds de garantie», lance Marco Amos.

Si Easyjet Holidays pourrait être en position de force sur les destinations où il n’y a pas d’alternative à la compagnie Low Cost, Olivier Emch tient aussi à nuancer: «Quand vous organisez un voyage avec Easyjet, vous devez acheter votre place rapidement pour avoir le meilleur prix et sans avoir planifié la partie terrestre du séjour. En venant sur le marché des agences, ils devront respecter les règles qu’ils ont eux-mêmes fixées.»

En effet, pour les agences, les variations rapides de prix ds billets Low Cost compliquent l’organisation d’un séjour. L’offre faite un jour peut être caduque le lendemain et pousse à l’achat d’un vol, pour fixer le prix, sans avoir organisé la suite du voyage. Ce à quoi Easyjet Holidays répond en disant appliquer une garantie du meilleur tarif.

(Dominique Sudan)