Remboursements: la pratique du groupe LH jugée boiteuse

D’un point de vue juridique, cette pratique viole la loi. Swiss affirme que ce n’est pas le cas et parle d’un temps d’adaptation.
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Du point de vue des experts juridiques, le refus de remboursement des vols annulés est illégal. Pour certains même, cela s’apparente à ce qui est décrit à l’article 62 du Code des Obligations (CO), soit un enrichissement injustifié. En résumé, il s’agit d’argent perçu pour un service qui n’a pas été fourni. A l’alinéa 2 de l’article 62, le CO stipule: «La restitution est due, en particulier, de ce qui a été reçu sans cause valable, en vertu d’une cause qui ne s’est pas réalisée, ou d’une cause qui a cessé d’exister.»

En l’espèce, la compagnie aérienne n’est pas en mesure d’assurer le transport pour des raisons objectives, comme des interdictions d’entrée imposées par un gouvernement. Le contrat de transport est donc annulé. Selon l’article 119 du CO et la doctrine en vigueur, le prix payé doit alors être intégralement remboursé. «Dans les contrats bilatéraux, le débiteur ainsi libéré est tenu de restituer, selon les règles de l’enrichissement illégitime, ce qu’il a déjà reçu et il ne peut plus réclamer ce qui lui restait dû.» Le client n’est donc pas tenu d’accepter des bons.

Depuis samedi, les compagnies aériennes du groupe Lufthansa, dont Swiss, refusent de rembourser le prix des billets pour les vols annulés. À cette fin, la fonction de remboursement dans les systèmes de réservation a été discrètement et secrètement désactivée. Les agents et les agences de voyage ne sont donc pas remboursés, comme l’exige la loi

Swiss dément et apporte des précisions

Entre-temps, Swiss International Air Lines a réagi et nié le fait que l’argent ne soit pas remboursé. «Nous sommes conscients de la situation juridique, les remboursements seront bien sûr toujours possibles. Toutefois, nous vous demandons de comprendre que dans la situation actuelle, cela n’est pas possible dans les délais habituels», nous indique la porte-parole Sonja Ptassek. «Les clients et les agences de voyage sont priés de contacter les centres de services respectifs pour les entreprises et les particuliers. Le changement de système est dû au volume actuel exceptionnellement élevé de demandes de renseignements, qui a conduit à un ajustement des processus de remboursement.»

Une information similaire a été d’ailleurs publiée dans l’espace Xperts. La formulation semble cependant avoir été revue puisque le lien de l’information comporte bien la mention de désactivation (https://irreg.lufthansaexperts.com/fr/news/lufthansa-group-airlines-temporarily-disable-refund-functionality.html) pour désormais porter le titre «Lufthansa Group airlines are temporarily adjusting the refund process» (voir photo).

La loi privilégie l’argent aux bons

La pratique montre qu’en général, si, en raison de dispositions légales, le client a droit à un remboursement, celui-ci doit être effectué en espèces. L’entreprise pourrait bien sûr discuter avec le client et lui offrir un bon, éventuellement d’un montant plus élevé à titre d’incitation. Toutefois, le client n’est pas tenu d’accepter cette option.

S’il s’agit exclusivement d’une demande de remboursement contractuelle, c’est-à-dire qu’aucun remboursement n’est prévu par la loi, il peut être convenu d’un remboursement en bons. Mais selon les experts juridiques, ce n’est pas le cas des compagnies aériennes qui parlent simplement de remboursement, c’est-à-dire d’argent. Aucune clause de ce type ne peut être introduite unilatéralement par la compagnie aérienne à une date ultérieure.

La FSV plaide en faveur des remboursements en bons

Certains prestataires de services tels que les compagnies aériennes, mais aussi divers grands voyagistes ont déjà commencé à offrir aux clients des bons au lieu d’argent liquide pour les voyages annulés. Ils veulent ainsi éviter une fuite d’argent qui menace leurs liquidités. La Fédération suisse du voyage (FSV) a fait plusieurs démarches auprès du Secrétariat d’État à l’économie (Seco) pour que l’obligation de remboursement soit légalement possible par le biais de bons au lieu d’espèces. (TI)