«La part de la NDC augmente chez Air France-KLM» 

Le groupe franco-hollandais sort d’un exercice très favorable après la pandémie. Entretien exclusif avec Noud Duyzings, Senior Vice President Europe d’Air France KLM.
Noud Duyzings, Senior Vice President Europe Air France KLM.
Noud Duyzings, Senior Vice President Europe d'Air France-KLM. ©AFKL

Globlement, comme se porte le groupe AFKL au niveau financier après la crise sanitaire mondiale?

La capacité du Groupe se monte à 94% par rapport à 2019 avec un facteur de charge de 90%. Notre chiffre d’affaires se monte à 8,7 milliards d’euros, en hausse de 7 % par rapport à l’année dernière, et le résultat d’exploitation atteint 1,3 milliard d’euros avec une marge d’exploitation à 15,5%.

Air France-KLM a réalisé un trimestre solide, marqué par des résultats remarquables. Cette performance a été tirée par la forte demande estivale. Tout au long du trimestre, le Groupe a également réalisé des progrès significatifs sur sa feuille de route stratégique durable. Notre commande historique de 50 Airbus A350 accélérera considérablement le renouvellement de notre flotte long-courrier, avec des avions plus économes en carburant, plus rentables et plus silencieux.

Cette nouvelle commande représente un investissement de plusieurs milliards d’euros dans notre feuille de route en matière de développement durable, qui vient s’ajouter aux commandes précédentes d’avions à fuselage large et étroit de nouvelle génération, et vient compléter nos engagements en matière de carburant aviation durable. Elle confirme notre ambition d’atteindre 64% d’avions de nouvelle génération d’ici 2028 et constitue une nouvelle étape importante vers notre objectif de réduction de 30% de nos émissions de CO2 par passager-kilomètre d’ici 2030.

Au troisième trimestre 2023, Air France-KLM a accueilli 26,9 millions de passagers, soit 7,6% de plus que l’année précédente. Les capacités ayant augmenté de 6,0% et le trafic de 7,6%, le coefficient d’occupation a progressé de 1,3 point par rapport à l’année dernière.

Par ailleurs, le Groupe a atteint une très forte recette unitaire passager par ASK, en hausse de +3,3% par rapport à l’année dernière. Cette hausse est due à une augmentation du coefficient d’occupation sur le long-courrier, le court & moyen-courrier et Transavia; elle s’explique aussi par une augmentation du rendement sur l’Atlantique Nord, l’Afrique, les Caraïbes et l’océan Indien ainsi que sur le court et moyen-courrier.

En termes de revenus, de capacité et de nombre de passagers, quel est l’état de la situation à moins de deux mois de la fin de l’année?

En termes de capacité, nous prévoyons de retrouver les niveaux antérieurs à l’épidémie vers la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Bien que nous ne puissions pas communiquer le nombre de passagers sur les vols à destination de la Suisse, je peux vous dire qu’il y a eu une demande exceptionnelle pendant l’horaire d’été et que nous prévoyons des réservations importantes vers la fin de l’année.

En matière de distribution, on constate que vous misez plus que jamais sur la NDC?

La NDC joue un rôle de plus en plus important dans la stratégie commerciale d’Air France-KLM. Pour récolter les bénéfices de la nouvelle distribution utilisant la NDC, l’ensemble de la chaîne de valeur doit être réunie. Air France-KLM vise à améliorer l’expérience du client en proposant des offres plus dynamiques dans la pratique, en utilisant des techniques de groupage et de tarification continue pour créer une offre plus attrayante et dynamique pour ses clients dans une présentation de produits comparable et riche.

Est-ce dans cet objectif que vous avez sorti les tarifs bas des GDS tout en frappant ces mêmes GDS d’une surcharge plus élevée de CHF 22 par trajet?

La NDC permet une bien meilleure visualisation de nos tarifs et de leurs caractéristiques, ce qui accroît les possibilités de vente incitative. La différenciation du contenu pour tirer le meilleur parti de la technologie joue donc un rôle essentiel dans notre stratégie de distribution. Des suppléments sont appliqués lorsqu’un canal de distribution entraîne des coûts plus élevés pour nos compagnies aériennes.

Les agents de voyages sont-ils vraiment prêts à négocier ce virage NDC?

Absolument. Les premiers à agir ont été les OTA, et aujourd’hui, la grande majorité des réservations pour Air France KLM se font par le biais de la NDC. Mais également dans les canaux hors ligne, en particulier dans le segment des loisirs, nous constatons que l’adoption de la NDC a augmenté – et continue d’augmenter – rapidement. Le passage de l’EDIFACT au nouvel environnement NDC est un processus de changement mais, avec nos partenaires de distribution, nous accompagnons et soutenons nos partenaires commerciaux dans ce processus.

Le choix de la NDC n’est-il dicté que par des motifs d’ordre économique et de revenus supplémentaires liés aux «ancillaries»?

L’adoption de la NDC est motivée par de multiples facteurs. Les agents de voyages qui utilisent la NDC ont accès aux meilleurs tarifs disponibles sur le marché. En outre, les agents utilisant la NDC peuvent bénéficier de produits et d’ancillaries plus personnalisés qui génèrent des revenus supplémentaires en offrant une expérience de réservation plus centrée sur le client et en donnant aux voyageurs un plus large éventail d’options pour améliorer leur voyage, du début à la fin.

Au plan aérien, vous détiendrez à terme 19,9% du capital de SAS. Pourquoi cet investissement?

Air France-KLM a annoncé le 3 octobre son intention de s’associer à SAS AB par le biais d’une prise de participation et d’une coopération commerciale (avec une prise de participation maximale de 19,9%). Il s’agit d’une première étape et la proposition est encore soumise à certaines conditions et à des autorisations réglementaires.

Depuis longtemps déjà, les pays nordiques constituent un marché important pour Air France-KLM, et en particulier pour KLM. Il s’agit d’un marché à haut rendement, bien qu’il soit aussi très largement entre les mains de Star Alliance. C’est donc une opportunité pour Air France-KLM de gagner de nouvelles parts de marché.

L’ambition d’Air France-KLM est de renforcer la présence du groupe sur les marchés scandinaves grâce à une coopération commerciale entre les compagnies aériennes du groupe et SAS AB, qui possède une marque bien établie et un solide programme de fidélisation. Cette coopération s’inscrit dans la stratégie d’Air France-KLM de jouer un rôle actif dans la consolidation de l’aviation européenne. L’intérêt pour TAP reste inchangé.

Membre fondateur de Star Alliance en mai 1997, SAS rejoindra Skyteam. Votre alliance a-t-elle beaucoup à y gagner en termes de réseau?

Air France et KLM disposent de solides réseaux opérant à partir de leurs hubs d’Amsterdam et de Paris, et l’arrivée de SAS ajouterait des plates-formes nordiques à leur réseau. Avec l’accès aux programmes de routes beaucoup plus larges d’Air France et de KLM, les passagers en provenance de Scandinavie bénéficieraient d’un accès facile à un réseau plus vaste, y compris vers des destinations au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique du Sud, ainsi que vers davantage de destinations en Amérique du Nord.

Pourquoi avez-vous décidé de renoncer à la compensation carbone?

La stratégie durable du groupe Air France-KLM consiste à piloter une trajectoire de décarbonation en s’appuyant sur les différents leviers que sont le renouvellement de la flotte, l’optimisation des opérations et l’incorporation de carburants aéronautiques durables (SAF – Sustainable Aviation Fuel). Pour ce faire, le groupe s’est fixé comme objectif de réduire ses émissions de CO2 de 30% par passager-kilomètre par rapport à 2019.

En plus de leurs propres actions, Air France, KLM et Transavia proposent à leurs clients de contribuer volontairement, à hauteur du montant qu’ils souhaitent, à des projets visant à préserver l’environnement et les écosystèmes. Lors de l’achat d’un billet d’avion, chaque compagnie aérienne propose à ses clients plusieurs options.

Comment appréhendez-vous le SAF au niveau du Groupe?

Le groupe Air France-KLM considère ces carburants aéronautiques durables comme un levier décisif pour la décarbonation du transport aérien. Issus de sources non fossiles, les carburants achetés par Air France-KLM permettent une réduction des émissions de CO₂ d’au moins 75% sur l’ensemble du cycle de vie. Air France-KLM a mis en place une politique d’approvisionnement stricte et s’engage à n’acheter que des SAF qui n’entrent pas en concurrence avec l’alimentation humaine ou animale, qui sont certifiées RSB ou ISCC+ pour leur durabilité et qui ne sont pas produites à partir d’huile de palme.

Ces SAF peuvent être utilisés dès aujourd’hui dans les avions existants sans aucune modification de l’avion, des moteurs ou des opérations de vol. En 2022, le groupe Air France-KLM a acheté 17% des SAF disponibles dans le monde, alors qu’ils ne représentent que 3% de la consommation totale de fuel aérien.

La production de ces carburants est actuellement très limitée, faute de procédés industriels suffisamment développés, et leur prix est 4 à 8 fois supérieur à celui du kérosène fossile. C’est pourquoi Air France-KLM travaille avec ses partenaires industriels et académiques ainsi qu’avec des instituts de recherche pour assurer l’émergence rapide de filières de production.

A ce propos, vous avez conclu localement un accord avec les agences de l’AVP à Genève. Cet accord lié au SAF n’est-il pas aujourd’hui caduc puisque vous abandonnez la compensation carbone?

Pas du tout. Air France et KLM ont été les premiers transporteurs à proposer à leurs clients un programme SAF pour les entreprises et les clients cargo, ce qui a permis de sensibiliser et d’informer sur les carburants aéronautiques durables et d’encourager les entreprises à réduire leurs émissions de type 3 liées aux voyages d’affaires et au transport de fret.

Les différents programmes du groupe comptaient 125 membres en 2022. Le programme SAF signé par les agences de l’AVP s’inscrit pleinement dans notre stratégie de développement durable visant à réduire les émissions de CO2. Le programme de carburant d’aviation durable vise à réduire nos émissions de CO2 et non à les compenser. Nous espérons que d’autres partenaires, entreprises et commerçants, rejoindront ce programme à l’avenir.

Le programme «Sustainable Aviation Fuel Corporate» d’Air France-KLM vise à soutenir les entreprises qui souhaitent contribuer à la décarbonation du transport aérien, à stimuler le développement du marché SAF et à réduire l’empreinte carbone de l’aviation. Grâce au programme SAF Corporate, les entreprises clientes du groupe Air France-KLM, après avoir mesuré les émissions de CO₂ liées à leurs déplacements, peuvent déterminer la contribution annuelle qu’elles souhaitent apporter.

Le groupe Air France-KLM investit toutes les contributions dans l’achat et l’utilisation de carburants aéronautiques durables. Cela stimule la demande de SAF et encourage le développement des installations de production. En misant sur ce programme, les entreprises prennent des mesures concrètes pour réduire les émissions de CO₂ et contribuent à la transition de l’aviation.

Air France se retire d’Orly. Les raisons de ce retrait sont-elles uniquement d’ordre économique?

L’essor de la vidéoconférence, la baisse des voyages d’affaires domestiques et le report croissant vers le rail (sous l’effet conjugué des recommandations gouvernementales de sobriété et des politiques CSR des entreprises) conduisent à une baisse structurelle de la demande sur le réseau domestique point à point d’Air France.

Entre 2019 et 2023, le trafic sur les lignes domestiques au départ de Paris-Orly a baissé de 40%, et même de 60% pour les allers et retours dans la journée.

L’initiative dans son ensemble permettrait à Air France de maintenir une présence forte de sa marque sur tous les marchés qu’elle dessert et d’être plus réactive face à l’évolution rapide de la demande de voyage.  Elle permettrait d’optimiser l’utilisation des ressources de chaque compagnie, de rendre l’offre plus claire pour les clients et d’améliorer la compétitivité d’Air France.

Selon votre logique de hub autour de Paris CDG, n’aurait-il pas fallu se retirer plus tôt d’Orly?

Face à la situation du marché présentée ci-dessus, Air France a présenté le 18 octobre aux instances représentatives du personnel un projet d’adaptation de sa desserte domestique au départ et à destination de Paris à l’horizon de l’été 2026.

Suite à cette évolution, les liaisons au départ et à destination de Paris seraient exploitées selon les principes suivants: Air France opérerait l’ensemble de ses vols domestiques et internationaux au départ de son hub de Paris CDG à l’exception de la desserte de la Corse au départ de Paris-Orly. Transavia deviendrait l’opérateur de référence du groupe Air France au départ de Paris-Orly.

Une nouvelle directrice est à la tête d’Air France-KLM en Suisse. La structure commerciale dans notre pays subira-t-elle d’autres changements? Quid du poste d’Account Manager ici à Genève?

En effet, Armelle Comte a été nommée Sales Manager pour la Suisse. Nous sommes très heureux qu’Armelle dirige notre organisation commerciale en Suisse grâce à son expérience et à son esprit de leadership positif. L’équipe commerciale est composée de 5 responsables Corporate et de 3 responsables Leisure, répartis entre Genève et Zurich, afin de soutenir et de servir au mieux nos clients. Aucun autre changement n’est prévu dans la structure des ventes. Il est possible que nous ayons des promotions internes à l’avenir.

                                                                                                                 Dominique Sudan