Le surtourisme, nouveau casse-tête au Japon

La faiblesse du yen combinée à l’attractivité naturelle du Japon semblent favoriser un tourisme débridé. Le pays souhaite désormais y mettre bon ordre.
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La problématique du surtourisme, telle qu’elle est connue en Europe à Amsterdam, Barcelone, Berlin, Majorque ou encore Lucerne, atteint aussi le continent asiatique. Si la Thaïlande, Bali ou la baie d’Halong y sont confrontés, il s’agit d’un phénomène relativement nouveau au Japon. Et celui-ci a décidé d’y mettre bon ordre, autant que possible.

Deux facteurs ont rendu sa popularité à la destination Japon. La réouverture tardive du tourisme à l’international, effective seulement en 2023, a créé une véritable demande pour des touristes frustrés de ne pas avoir pu visiter ce pays pendant près de 3 ans. Un autre phénomène est la dévaluation du yen depuis 2020.

Au moment de la crise du Covid, 1 franc suisse valait 112 yens en moyenne. Début 2022, le franc valait 125 yens, début 2023 143 yens. Au 22 mai, il en valait 171 yens. Soit une baisse en valeur de 65% sur quatre ans…

Plus de 53’000 Suisses

Aussi, c’est le rush des touristes, la plupart en provenance d’Asie. L’an passé, l’Empire du Soleil Levant a accueilli 25,07 millions de touristes internationaux contre moins de 4 millions un an plus tôt. La Suisse a en 2023 généré un total de 53’395 voyageurs vers le Japon, retrouvant pratiquement son record historique de 2019 avec 53’908 visiteurs.

Selon les estimations du Japan National Tourist Office (JNTO), le Japon devrait cette année surpasser les chiffres de 2019, année record avec 32 millions de touristes. Et se préparer à l’horizon 2030 à l’accueil de quelques 60 millions de visiteurs internationaux.

Incidents avec des geishas

La pression pour réguler les flots de touristes ne devrait que s’accentuer. Comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Les initiatives ‘anti-touristes’ se multiplient depuis quelques temps pour contrôler les lieux les plus courus par des touristes souvent peu sensibles à la notion de respect.

Début avril, la ville de Kyoto en coopération avec les habitants de Gion, le célèbre quartier des geishas de Kyoto, a décidé d’interdire l’accès de certaines allées où travaillent et vivent ces dernières. Les résidents locaux en ont eu assez des hordes de touristes, affirmant que leur quartier «n’est pas un parc d’attractions».

Parmi des incidents récents signalés, le kimono d’une maiko a été déchiré et un mégot de cigarette placé dans le col d’une d’entre elles. Il est également interdit de photographier les geishas sans autorisation préalable.

Mont Fuji contrôlé dès juillet

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Même chose pour les visiteurs de l’emblématique Mont Fuji. Un village a décidé de construire un mur noir pour bloquer la vue face aux hordes de visiteurs en faction, qui laissent des détritus en masse. Les autorités qui contrôlent par ailleurs l’entrée du parc national du Mont Fuji ont également décidé d’appliquer de nouvelles restrictions pour les visiteurs.

Les personnes souhaitant escalader un sentier du Fujiyama devront réserver à l’avance et payer une taxe. Là aussi, les autorités espèrent contrôler un tourisme devenu excessif et destructif sur l’environnement.  Seuls 4000 grimpeurs seront autorisés quotidiennement, dont 3000 devant réserver en ligne leur parcours, en payant un prix de 2000 yens (CHF 12).

Dans le cadre de ce nouveau système, les alpinistes doivent également choisir s’ils veulent faire un trekking d’une journée ou passer la nuit dans l’un des refuges disponibles le long du sentier. Une fois les informations saisies et le paiement effectué, un code QR est envoyé pour être scanné. Les voyageurs peuvent réserver sur le site officiel de Mount Fuji Climbing.

La mesure entre en vigueur le 1er juillet prochain et doit rester active au moins jusqu’au 10 septembre, durant le pic d’été. Le ministère japonais de l’environnement a déclaré que le nombre d’alpinistes sur le Mont Fuji pendant la saison 2023 s’élevait à 221’322.

Luc Citrinot, Bangkok