«PATA est LA référence des professionnels du tourisme en Asie-Pacifique»

Noor Ahmad Hamid, CEO de la Pacific Asia Travel Association (PATA), créée en 1951.
Noor Ahmad Hamid, CEO, PATA. ©Travel Weekly Asia
Si la PATA, comme pour de nombreuses institutions internationales, a quelque peu perdu en prestige depuis les années 2010, dû à la fois aux nouveaux comportements des consommateurs et à la crise du Covid qui a décimé le monde du tourisme, l’élection il y a un peu plus d’un an de Noor Ahmad, le nouveau CEO, a été l’occasion de redéfinir le rôle de l’association. La PATA veut être désormais un facilitateur de dialogues, un «lanceur d’alertes» sur les évolutions, les défis et éventuellement les dangers que traverse la profession. Et également servir de références et d’expertises pour tous ceux qui suivent l’évolution de la région Asie-Pacifique.
PATA, est l’une des plus anciennes associations du monde du voyage. Sa création remonte à 1951. Pendant des décennies, cette association à but non lucratif a été le lieu de rencontres et de décisions de tout ce qui faisait et (défaisait) le monde du tourisme. Dans ses heures de gloire des années 70 au début des années 2000, PATA comptait plus de 2000 membres à travers le monde, avec des partenaires de prestige privés comme publics.
Les anciens se souviendront de la présence au sein de l’association de chaînes d’hôtels comme Pan Pacific ou Shangri-La, de Cathay Pacific et de Qantas, de l’Office de tourisme de Singapour, du Japan Tourism Board ou encore de l’Office de tourisme d’Australie. Sans parler des chapitres à travers le monde, qui rassemblaient quelques 15’000 membres. Pendant quelques années, la Suisse romande avait mis sur pied à bord dûn bateau à genève et Lausanne le workshop B2B ‘PATA Rendez-vous’, activement soutenu par TRAVEL INSIDE.
Aujourd’hui, l’association compte toujours plus de 400 membres directs et plusieurs milliers dans les chapitres. (LC)
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Noor Ahmad Hamid, quel rôle joue encore PATA aujourd’hui?

PATA a une expérience unique dans le développement du tourisme en Asie-Pacifique due à sa longue existence. On a beaucoup appris à travers les expériences de nos membres mais aussi à travers les diverses crises que le tourisme dans la région a dû affronter.

C’est ce rôle d’experts que PATA doit mettre désormais en valeur, tout en restant un «lanceur d’alerte» sur les grandes problématiques: l’environnement, les conflits dans le monde, l’inclusion des populations locales, le digital ou encore le surtourisme. En fait, je crois que nous sommes en Asie au prélude d’une conscience sociale sur l’apport du tourisme. Et PATA veut fortement y contribuer. Moi-même en tant que CEO, je souhaite mettre l’accent sur le tourisme durable et inclusif.

Justement, en parlant de crise, est-ce que l’Asie a tiré les leçons de la pandémie de Covid?

Nous avons tous pensé que la pandémie de Covid allait nous permettre de réfléchir à l’évolution du tourisme. Et d’éviter les erreurs du passé. Mais avec la fin de la pandémie et la réouverture des frontières, on constate un retour rapide, très rapide aux vieilles habitudes. Aussi bien de la part des touristes que des institutions.

Je comprends que pour beaucoup de pays, les bénéfices économiques du tourisme soient essentiels à leur développement. Mais il est temps de ne pas uniquement regarder cet aspect. Il faut aussi s’interroger sur ce que le tourisme apporte réellement aux populations locales. Ce que j’appelle le ‘Balancing Act’.

On a tendance à effectivement oublier l’importance de la relation entre les visiteurs et les locaux, entre les infrastructures dédiées au tourisme et l’art de vivre des populations vivant sur les territoires. D’où ces dérives que l’on constate avec le surtourisme

Trouvez-vous que l’Asie ne fait pas beaucoup d’efforts pour éviter le surtourisme?

On ne peut pas mettre toutes les destinations d’Asie dans le même panier. Comme on ne peut pas non plus empêcher les gens de voyager. Comme par exemple, les empêcher d’aller à Bali ou Phuket.

En revanche, les destinations en Asie-Pacifique doivent travailler leur offre. Proposer des alternatives. La Thaïlande ou l’Indonésie ont par exemple décidé de renforcer la promotion des destinations secondaires. Ce qui permet non seulement de soulager les destinations les plus fréquentées mais aussi d’apporter les bienfaits du tourisme à de nouvelles populations.

Il y a aussi un besoin d’éduquer les voyageurs sur ce qu’ils peuvent faire et ne doivent pas faire. C’est par exemple ce que fait l’Inde qui a édicté des conseils de bon comportement pour ses visiteurs. Au Japon, des mesures plus radicales ont été prises pour mieux contrôler le flux et le comportement des touristes sur certaines destinations comme Kyoto ou le Mont Fuji. C’est cela, le ‘Balancing Act’.

On a besoin d’avoir une sorte de pactes entre prestataires et utilisateurs sur l’équilibre du tourisme. PATA doit et va jouer ce rôle aussi bien auprès des institutions publiques que du secteur privé.  C’est notre rôle de facilitateur d’initiatives.

Quel effet joue l’économie numérique sur le tourisme?

Il y a effectivement une nouvelle donne que les acteurs du secteur du tourisme doivent totalement intégrer. Il n’y a pas si longtemps, c’était l’agent de voyages qui en Asie créait les séjours et les activités qui lui sont liées. Aujourd’hui, c’est le digital qui prédomine. Les voyageurs ont sur leurs propres écrans les choix qu’ils déterminent, avec une démultiplication des possibilités due à une offre ayant de moins en moins de contraintes physiques. On intègre aujourd’hui transports, transferts, offres de loisirs, etc…

L’intelligence artificielle va accélérer cette tendance, donnant encore plus d’autonomie aux voyageurs. On constate aussi une transformation de la communication des institutionnels comme les offices nationaux de tourisme.

Les campagnes de marketing traditionnelles des Offices nationaux de tourisme ne sont plus suivis par les voyageurs, qui leur préfèrent les contenus générés par les usagers-blogueurs, influenceurs et autres. Ce sont les réseaux sociaux qui aujourd’hui façonnent les destinations. Et bien évidemment cela aussi affecte le travail de notre association.

Comment la PATA intègre-t-elle les nouvelles évolutions du monde du tourisme?

Nous sommes très conscients des limites de cette communication que nous avons connues jusqu’à il y a dix ans. C’est pourquoi nous nous positionnons comme LA référence des professionnels du tourisme en Asie-Pacifique.

Nous devons continuer notre travail de plaidoyer auprès des politiques, des institutions publiques et privées: application d’un tourisme durable inclusif soucieux des populations locales; favoriser les initiatives environnementales face aux défis climatiques; aider la politique à prendre les bonnes décisions pour le long-terme et non pas pour le profit à court terme.

Et aussi, analyser les évolutions du tourisme, aider chercheurs et étudiants qui travaillent sur le tourisme en Asie-Pacifique. Nous sommes une incroyable source d’informations…

Luc Citrinot, Bangkok