«Club Med, l’all inclusive élevé au rang de luxe»

L’historique Club Med Phuket est en phase de rénovation, qui devrait se terminer à la fin de cette année. L’emblématique président de l’entreprise française, Henri Giscard d’Estaing, nous a accordé un long entretien exclusif.  
Henri Giscard d’Estaing. ©TRAVEL INSIDE-DW

Henri Giscard d’Estaing, comment Club Med parvient-il encore à se distinguer dans un monde du tourisme où les prestataires sont beaucoup, voire toujours plus nombreux, à proposer du all inclusive?

En plus d’un demi-siècle, Club Med a réussi à faire évoluer son savoir-faire sans tomber dans les clichés d’entrée de gamme du all inclusive. Fidèles à notre esprit pionnier, nous avons toujours à cœur d’enrichir notre offre pour répondre aux attentes de nos clients et offrir la meilleure expérience possible : qualitative, originale et avec un large choix de possibilités. Notre offre repose sur 5 piliers:

1/ des emplacements d’exception en balnéaire et à la montagne et une stratégie de développement volontariste en ouvrant de nouveaux Resorts à travers le monde – +13 d’ici fin 2026 – et en montant en gamme nos produits existants – x10 d’ici fin 2026;

2/ des équipes passionnées, les GO (gentils organisateurs) iconiques et cet esprit Club Med unique;

3/ le plus grand club de sport et de bien-être, soit en moyenne 15 sports et activités dans chacun de nos Resorts;

4/ un voyage culinaire extraordinaire basé sur la liberté de choix, la qualité et le savoir-faire;

5/ le bonheur et la reconnexion familiale, un pilier de l’ADN Club Med depuis sa création.

Quel est encore le rapport entre Club Med aujourd’hui et celui des débuts?

Les Français représentent plus d’un tiers de la clientèle. Mais cela veut dire que près des deux tiers est internationale. La France reste notre berceau, nos racines, un savoir-faire. Et celui-ci nous a permis de nous développer, d’exporter la french touch à l’échelle du globe. Donc, l’Hexagone constitue un ancrage important pour nous. Et nous sommes fiers d’être devenus un champion mondial français du tourisme.

Qu’est-ce qui a fondamentalement changé depuis votre rachat par les Chinois de Fosun International?

Disons qu’il n’y a pas eu de changement de stratégie. Au contraire, on l’a accélérée et cette montée en gamme est achevée au plan technique. C’est-à-dire que 100% de nos Resorts sont aujourd’hui Premium et Exclusive Collection. On les appelait autrefois quatre ou cinq tridents.

Fosun nous a également apporté beaucoup dans la dimension digitale puisque la Chine est en avance dans ce domaine. C’est là que, notamment, le digital mobile s’est développé le plus vite. Et c’est à partir de la technologie et des savoir-faire testés en Chine que l’on a accéléré considérablement la digitalisation de Club Med.

Quels sont les axes de développement futurs?

Nous avons deux lignes de produits prioritaires : la montagne et notre gamme Club Med Exclusive Collection – la plus haut de gamme –, qui représente environ 10% de notre offre.

Nous portons un effort spécifique sur la première parce qu’à la montagne, le produit Club Med pour les familles est encore plus unique. Avec un service au diapason, destiné à une clientèle totalement internationale. En janvier en Asie, les Australiens y sont en vacances scolaires tandis qu’en Europe, dans les Alpes, ce sont les Brésiliens qui y profitent de leur temps libre.

Par ailleurs, nous allons continuer à développer à l’échelle mondiale la gamme Club Med Exclusive Collection, composée des Resorts les plus haut de gamme du portefeuille Club Med. Nous ne deviendrons pas un produit de luxe au sens classique, et souhaitons proposer une libre interprétation du luxe en étant, en termes de méthodes, de pratique, de personnalisation, de service, au meilleur niveau et au niveau des meilleurs.

Les marchés d’avenir?

Le monde change très vite et c’est ce qui me frappe beaucoup en ce moment. Et donc, il y a de nouveaux marchés dans des parties du monde qu’on considérait davantage comme des destinations. Je citerais l’Asie et deux pays, la Thaïlande, qui voit l’essor rapide d’une clientèle haut de gamme très sophistiquée, et l’Indonésie, un grand pays au fort essor économique. Nous allons donc y déployer de nouveaux Resorts.

Il y a également une autre partie du globe, le Moyen-Orient et l’Asie centrale, où le développement des clientèles touristiques est de même très important. Donc, des opportunités pour Club Med.

Que dire du marché suisse?

C’est un marché historique pour nous, qui a repris une dynamique de croissance. Et nous pensons que le produit Club Med est parfaitement adapté aux familles helvétiques ou couples actifs. Les Suisses voyagent beaucoup, notamment en long-courrier et Club Med Phuket rénové et transformé sera parfaitement adapté à cette clientèle.

Justement, quelques mots sur ce Resort historique? 

Il existe depuis près de 40 ans. C’est un site unique puisque installé tout le long de la plage dont la quasi-totalité des chambres ont vue sur cette baie magnifique. La plage est exceptionnelle par sa taille et par les magnifiques couleurs de l’eau quand le soleil l’illumine. C’est un Resort dont nous devions améliorer le confort.

C’est ce qui nous a conduit à faire d’importantes rénovations, toujours en cours, lancées pendant le Covid, alors qu’on ne savait pas quand on allait le rouvrir puisqu’il a été fermé plus de deux ans. De plus, nous allons y déployer un concept que nous venons de lancer à Marrakech et avions introduit auparavant à Cancun, l’Oasis Famille.

C’est un ensemble de logements composé de suites familles avec des facilités pour les enfants, les bébés, des jeux d’eau. Elle vient compléter l’offre existante du Resort, avec sa piscine Zen pour les adultes, ainsi qu’une restauration de grande qualité qui donne d’abord l’occasion à nos clients de goûter les cuisines du monde. Ajoutons-y nos traditionnels buffets et leur liberté de choix, qui représentent l’un des bénéfices de l’expérience Club Med.

La durabilité vous tient particulièrement à cœur. Quelles sont vos actions concrètes à ce niveau?

La phrase qui a entraîné la création de Club Med en 1950, une période où l’Europe avait été dévastée par la guerre, était: « Nous devons chercher à créer le bonheur par le sport et la nature.» Je pense toujours que c’était une vision pionnière, visionnaire à cette époque-là.

Et donc, cette notion d’intégration dans la nature qui nous entoure existe depuis les débuts de l’histoire du Club Med. Une de mes grandes fiertés est que Club Med a protégé, et continue à le faire, les sites exceptionnels où il se trouve, puisque nous avons une très grande exigence quant à la qualité de nos sites. Par exemple, pour le Resort de Phuket, il a une densité trois fois inférieure à celle des hôtels alentour – donc trois fois plus d’espace pour nos clients –, protégeant cette magnifique baie et plage, ces jardins dans une nature exceptionnelle. Ça, c’est un acquis d’origine.

Mais il faut vivre avec son temps…

Oui et s’adapter aux évolutions, prendre en compte d’autres facteurs. Il y a 40 ans, Club Med a créé sa fondation d’entreprise. C’était d’ailleurs l’une des toutes premières fondations d’entreprise en France. Après la protection de la nature et des sites, le second objectif était de s’occuper des populations locales qui entourent les Resorts. Et de se dire que si on a des clients et des équipes heureux, on ne peut pas avoir à proximité immédiate des gens malheureux.

Ainsi, depuis 40 ans, nous menons des actions pour les communautés locales, en particulier les jeunes et les enfants, en termes d’éducation et de développement par le sport. Par exemple, nous laissons aux écoles et associations sportives très souvent l’accès à nos installations, afin d’en faire bénéficier le plus grand nombre.

Enfin, il y a un troisième stade, plus récent : la prise de conscience de l’impact sur le climat et l’empreinte carbone. Et là, nous avons pris une position assez rigoureuse, qui est d’abord de faire certifier tous nos Resorts dans le monde pour leur exploitation. Cela inclut le gaspillage, alimentaire notamment, mais aussi la consommation d’eau par exemple.

100% de nos Resorts sont certifiés Green Globe, un des labels d’exploitation les plus exigeants. En parallèle, nous avons créé des standards de construction qui sont les plus performants en matière énergétique – comme le standard BREEAM International – et avons, dans les Alpes, une politique extrêmement active et rigoureuse des mises en œuvre de ces approches.

Notre premier Club Med «nouvelle génération», Valmorel, a été le premier établissement certifié HQE – Haute Qualité Environnementale – dès 2012, le standard européen de l’époque. Le dernier Resort que nous venons d’ouvrir à la montagne, à Tignes, a été quant à lui le premier hôtel des Alpes à obtenir la certification BREEAM au niveau «very good», avec un usage important de la technologie pour optimiser les consommations. Il y a dans le Resort 4000 points de mesure de la température, de la qualité de l’air…  Tout cela est géré désormais avec l’intelligence artificielle sur la base de pompes à chaleur, de panneaux solaires et de différentes technologies qui permettent de limiter la consommation énergétique et les émissions de carbone.

Est-ce que vous collaborez encore beaucoup avec les agences de voyages?

Absolument. Certes, notre part de distribution directe, c’est-à-dire celle assurée par nos sites internet, nos propres agences, dont celle de Genève, et le call center à travers le monde, représente 73% de notre activité, mais nous collaborons avec un nombre limité d’agences de voyages, avec d’ailleurs des variations selon les pays, puisqu’il y en a certaines plus largement implantées que d’autres. Mais nous avons la volonté de développer des partenariats avec celles pour qui Club Med correspond à leur positionnement et leur clientèle.

Donc, on a une approche sélective de la relation en s’assurant d’être dans un partenariat gagnant-gagnant. Pour l’agence de voyages, Club Med est un produit facile à vendre et les clients sont satisfaits avec un produit unique, un rapport qualité-prix avantageux ; de notre côté, nous avons des agents de voyages en mesure de convaincre les clients d’essayer ce produit.

Propos recueillis par Didier Walzer, Phuket