Les suppléments fantaisistes des airlines n’ont plus grand-chose à voir avec le carburant

Prendre l’avion est devenu nettement plus cher ces derniers mois et le deviendra encore plus. L’augmentation du prix du kérosène, qui entraîne des surtaxes élevées, est en partie responsable de cette situation – ou pas?
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On connaît la chanson: si les coûts augmentent, les airlines aiment les répercuter immédiatement. Alors que les frais de personnel, les taxes d’atterrissage, de décollage et de survol ne connaissent généralement qu’une seule direction et n’évoluent qu’à long terme – c’est-à-dire vers le haut -, les hausses et les baisses du carburant sont plus ou moins importantes et plus ou moins en phase avec le prix du pétrole.

Après un pic élevé il y a un peu plus d’un an et un pic plus faible au début de cette année, le prix du kérosène s’est à nouveau stabilisé à un niveau plus bas. Mais les prix des billets d’avion et les divers suppléments ne baissent pas parce que les suppléments n’ont en fait plus rien à voir avec le carburant.

Les frais de carburant représentent environ un tiers des dépenses d’une compagnie aérienne. Dans ce contexte, il est évident que chaque changement pèse, à la hausse comme à la baisse. Mais souvent, ces fluctuations du prix du kérosène ne sont pas directement répercutées sur le prix des billets: ce serait trop compliqué de le faire en raison des courts intervalles entre lesdites fluctuations. Les compagnies aériennes facturaient donc traditionnellement un supplément lié au prix du carburant, en dehors du prix du billet d’avion proprement dit.

Plus de véritable justification

Qu’il s’agisse de surcharge carburant, de surcharge kérosène, de «Fuel Surcharge», de «Carrier Imposed Surcharge», de YQ, de YR ou simplement de surtaxe nationale et/ou internationale, il s’agit dans tous les cas de la même pratique: une majoration du prix du billet d’avion, introduite à l’origine lorsque le prix du kérosène était élevé.

Mais ce qui était au départ une idée claire est aujourd’hui un concept complexe et opaque, qui n’a plus grand-chose à voir avec le coût du carburant.

Nombreuses sont les airlines qui appliquent désormais ces suppléments indépendamment du prix actuel du kérosène. Par conséquent, le terme de surcharge carburant est souvent utilisé dans le langage courant. Mais les compagnies aériennes utilisent la plupart du temps d’autres termes. Il n’existe donc plus de véritable justification pour la surtaxe.

Aujourd’hui, les suppléments carburant, quel que soit leur nom, sont l’un des nombreux éléments du prix d’un billet d’avion que chaque compagnie aérienne fixe elle-même. Le système est complexe, le montant peut varier d’un trajet à l’autre et même en fonction de la direction du vol.

Alors que certaines airlines renoncent complètement aux suppléments carburant, d’autres, telles que Lufthansa et British Airways, imposent sur certains trajets et dans les classes de réservation supérieures des montants peuvent dépasser quatre chiffres.

Les Suisses s’y mettent à fond

Et comment les airlines suisses gèrent-elles ces suppléments qu’elles ont imposés? Seule Helvetic Airways renonce totalement à cette composante opaque du prix du billet – par exemple, un montant CHF 30 par personne pour un aller et retour entre Berne et Palma figure noir sur blanc sur la facture du client.

Les deux filiales de Lufthansa doivent en revanche suivre leur groupe qui, selon les observations internationales, est en tête de peloton en matière de suppléments.

«Swiss, tout comme Edelweiss, perçoit une surcharge internationale, qui est définie au niveau supérieur de Lufthansa Group et qui comprend divers frais, taxes et autres suppléments», explique Michael Pelzer de Swiss, également au nom d’Edelweiss. En font également partie ce qui était autrefois appelé «taxe de sûreté» ou «surcharge carburant», et répond au doux  nom de «International Surcharge» (YQ).

Les taxes étatiques, comme le suggère la réponse de Swiss, n’y sont pas incluses, mais uniquement les surtaxes que la compagnie aérienne a elle-même inventées. Les taxes et redevances perçues par les pays de départ et d’arrivée ou par les aéroports sont prélevées et facturées séparément aux passagers.

La méthode de calcul de ces suppléments relève de la science occulte. Et ce que le passager paie exactement reste également plus qu’obscur. «Comme il n’y a pas de surtaxe carburant définie, différents aspects quantitatifs et chiffres clés sont pris en compte», explique-t-on de manière floue chez Swiss. Chez Chair Airlines, on est en revanche clair et net: «Nous ne donnons aucune information à ce sujet.» L’imagination peut donc être débordante et sans limite pour les suppléments.

Les suppléments égalent plus du tiers du prix du billet

Chez Swiss International Air Lines, l’échantillon réalisé avec un portail tarifaire spécialisé (https://matrix.itasoftware.com/) montre pour un vol aller et retour en Business Class de Zurich à New York en octobre prochain, une première «Carrier Imposed surcharge (YQ)» de CHF 600 et une deuxième «Carrier Imposed Surcharge (YR)» de CHF 17,50 – pour un prix du vol sec à CHF 1745 par trajet ou CHF 4205 l’aller et retour, toutes taxes comprises. Les surcharges représentent dès lors près de 15% du prix total.

Pour un vol Edelweiss en Eco Zurich-Phuket et retour, également en octobre, il faut compter, selon le portail de calcul, des «Sucharges» de CHF 467,50 au total. Le prix du vol aller est de CHF 506 et le retour est à CHF 356, soit un total de CHF 1385 pour les deux trajets, toutes taxes comprises. Dans ce cas, les suppléments représentent un fier 34% du prix total.

Les surcharges sont nettement moins importantes chez Chair Airlines. L’échantillon avec un billet en classe économique de Zurich à Skopje montre les deux surcharges YQ et YR d’un total de CHF 55,50 pour un prix de CHF 514 CHF par trajet. Sur le prix total – pourtant très élevé – de CHF 1131,50, les surtaxes ne représentent qu’à peine 5%.

On ne touche pas!

Les suppléments carburant exercent également un rôle particulier dans les composantes du prix d’un billet d’avion, car ils donnent l’impression aux non-initiés qu’il s’agit de véritables taxes prélevées et payées par les airlines au nom des autorités publiques. En Suisse justement, où la Confédération exige une taxe qui sonne presque pareillement: la taxe sur les carburants.

Mais en réalité, les surtaxes carburant ou «Carrier Imposed Surcharges» ne sont qu’un supplément opaque prélevé par la compagnie aérienne, sans que l’on sache vraiment pourquoi. Ce sont en fait des éléments de prix qui doivent donc être ajoutés à ce que l’on appelle le «Base Bare» du tarif aérien.

(Christian Maurer/adaptation: Dominique Sudan)