Un vendredi après-midi studieux à Parme

Colloque composé de quatre thématiques et d’une table ronde.
Andrea Beffa, directrice de la FSV, ouvre le colloque de l'après-midi.

Après l’assemblée générale de la FSV de ce matin, un colloque a traité quatre thèmes actuels durant l’après-midi (A la découverte de l’Europe en train par Philipp Mäder, CFF – Intelligence artificielle par Marc Geissbühler, Expert4Travel – Que vaut mon 2e pilier? par Michael Bolt, Hotela – Le dilemme de la durabilité par Martin Nydegger,  Suisse Tourisme) et abordera la Loi sur les voyages lors d’une table ronde réunissant Sophie Winkler (FlyingLawyers), Dirk Inger (Fédération allemande des agences de voyages, DRV), Marco Amos (Fonds de garantie), Sonja Laborde (TPA) et André Lüthi (FSV, ressort Politique).

L’Europe en train

Philipp Mäder, CFF.

Faisant le tour des destinations françaises actuelles de TGV Lyria, des futurs lieux des JO de Paris 2024, de la capitale allemande Berlin, de l’Italie bien sûr et de la République tchèque avec Prague, Philipp Mäder a rappelé la richesse actuelle de l’offre ferroviaire en Europe au départ de la Suisse: 10 pays, 90 relations par jour et 120 destinations en direct, sans parler des avantages liés au produit (arrivée au centre-ville, tarifs, durée relativement courte, confort sans les contraintes liées à l’avion). Au total, le train transporte quelque 10 millions clients de manière transfrontalière.

De plus, l’offre s’enrichit en termes de fréquences, la durée des voyages diminue même si l’actuel problème du Gothard ne facilite pas les choses sur l’axe nord-sud et que la ponctualité doit être améliorée en collaboration avec les partenaires ferroviaires européens. Cette offre s’élargit se traduit par une augmentation de volume passagers de 20% par rapport à la période précédant la pandémie.

Objectif: que la part de la clientèle augmente notamment par rapport aux personnes voyageant encore en véhicule privé. Il en va de même pour certaines destinations très demandées comme Londres, très étroitement lié à l’avion. Mais Philipp Mäder ne cache pas la relative difficulté des trains de nuit, pas encore vraiment optimale.

Priorités: extension du réseau central de 4 à 6 heures porte-à-porte; limitation des changements; potentiels pour des liaisons directes supplémentaires. Les CFF sont convaincus que le nombre de passagers doublera d’ici 20 ans. Pour cela, l’infrastructure devra bien entendu suivre. Les CFF entendent d’ailleurs oeuvrer avec la FSV pour renforcer le savoir-faire ferroviaire. A ce propos, les professionnels ont des besoins distincts à améliorer, notamment en matière de distribution: achat des billets internationaux auprès d’un seul fournisseur, processus automatisés (back- mid-office, commissions).

Intelligence artificielle

Vaste thème à la fois séduisant et inquiétant tant la maîtrise de l’IA revêt une importance considérable pour éviter de jouer aux apprentis sorciers. Marc Geissbühler (Expert4Travel), directeur d’Hotelplan en Suisse romande il y a une vingtaine d’années, relève que la branche suit la même tendance: vivement intéressée par l’IA, elle s’interroge sur son avenir à moyen terme.

Dans un scénario improbable, Marc Geissbühler réunit une histoire imaginaire réunissant des figures historiques anciennes et actuelles (Larry Page, Marie Curie, Jeff Bezos, Bill Gates, Léonard de Vinci, Verdi…) en leur posant un thème concret: nous allons à Parme. Chacun y va de sa proposition et l’appelle IA, qui n’est rien d’autre qu’un développement naturel de l’intelligence humaine.

L’objectif reste la transmission des bases et la sensibilisation aux applications possibles sur le thème: comment l’IA peut devenir mon partenaire d’affaires. L’IA est-elle la clef?

L’IA désigne la tentative de créer une intelligence semblable à celle de l’homme dans les systèmes et applications informatiques. Les machines apprennent à résoudre des problèmes de manière autonome, à prendre des décisions et à apprendre en permanence comme le font les humains. Mais pour Marc Geissbühler, l’IA, quoi qu’on en pense, n’est pas une tendance, elle est bel et bien là. Et de citer en exemple les systèmes de navigation qui indiquent des problèmes de circulation et en déduisent la possibilité de bouchons autoroutiers, sans qu’il n’y ait de caméras sur chaque tronçon du globe. Cela facilite le quotidien, visiblement.

Mais cela devient critique en matière d’éthique: à qui revient la décision finale en matière d’utilisation de l’IA dans des domaines comme la médecine, par exemple? Ne perdons-nous des places de travail? Risquons-nous de perdre le contrôle? Y a-t-il lieu de paniquer? N’oublier pas qu’il y a 30 ans, l’ordinateur était un corps étranger dans les agences. Peut-on imaginer la vie sans E-mail aujourd’hui? La faculté d’adaptation est donc réelle, selon Marc Geissbühler.

Dans le quotidien d’une agence, le contrôle des coûts pourrait être amélioré, l’efficacité aussi; la qualité du conseil aux clients peut y gagner en utilisant les données fournies par l’IA. Si les plates-formes et portails de voyage existent, ils sont destinés au consommateur final. Par conséquent, il conviendrait que les pros bénéficient des mêmes outils que les clients. Mais ces portails basés sur l’IA sont truffés d’erreurs et la responsabilité finale incombera à l’agence, comme en traduisant un texte sur DeepL sans réadapter la traduction elle aussi souvent truffée d’erreurs. La même règle s’applique si une erreur incombe aujourd’hui au TO classique: l’agent doit contrôler le produit fini.

Et l’IA pourrait être une compétence que le collaborateur pourra amener à son employeur dans une agence de voyages, à l’image de ce que l’on exige aujourd’hui dans la maîtrise de Microsoft et des systèmes informatiques usuels.

Que vaut mon 2e pilier?

Michael Bolt, Hotela.

Qui mieux que le Directeur général d’Hotela depuis plus de 14 ans, référence en matière d’assurances sociales, aurait pu aborder la problème du 2e pilier dans un contexte où la population suisse vit de plus en plus longtemps?

Qui connaît le taux de conversion de sa caisse de pension? C’est en ces termes que Michael Bolt a lancé le sujet. Un domaine qui s’adresse aussi aux seniors afin de les conserver plus longtemps actifs pour améliorer leur 2e pilier.

Assureur privé ou institution de branche? Qu’advient-il d’une personne changeant de caisse de pension à 59 ans? La conséquence est la réduction de CHF 900 de la rente en raison du taux de conversion. Sur la durée, le montant n’est pas anodin. Chez Hotela, ce taux est de 6,8% alors qu’il se monte à 5,6% chez l’assureur.

Deuxième sujet: comment gagner durant les prolongations en termes de LPP? Et Michael Bolt de citer deux exemples au sein de son équipe, deux personnes qui ont atteint l’âge de la retraite mais sont des mines d’or continuant à travailler. On peut y voir également une réponse au manque de personnel qualifié.

Des solutions existent pour permettre aux personnes ayant atteint l’âge de référence mais poursuivant leur activité à un rythme réduit. Au final, si la personne travaille jusqu’à l’âge de 70 ans, la rente sera réellement intéressante puisque supérieure à celle à laquelle on aurait droit en cessant toute activité à l’âge légal de 65 ans.

Loi sur les voyages à forfait

Elle remonte en 1990, est en vigueur depuis 1994 et est basée sur les directives de l’Union européenne (UE). Nul n’ignore qu’elle concerne un voyage durant plus de 24 heures et réunissant deux prestations de services. Et face à un tribunal, la mise en place de deux prestations constitue un voyage à forfait, contrairement à ce que trop d’agences pensent encore. Tel est le rappel en début de table ronde fait par Sophie Winkler, avocate, qui insiste sur la relation contractuelle avec le consommateur et non sur les liens en amont avec le fournisseur.

D’où le flou artistique régnant parfois entre un détaillant et un producteur. Le premier, s’il ne modifie aucune virgule d’un forfait, demeure intermédiaire. Mais pas s’il touche un élément du voyage. Ce n’est pas le problème du client si une DMC en Afrique connaît des difficultés! Donc ne devrait-on pas mieux s’adapter à cette fameuse protection du consommateur, certains moutons noirs profitant de flous juridiques pour tromper le client?

Dirk Inger (DRV) relève à ce propos que la proposition que la Commission européenne devrait faire d’ici la fin du mois à ce sujet démontre que ladite Commission ne connaît pas le dossier et n’a rien appris de la pandémie en matière de protection de consommateur en obligeant les agences à rembourser beaucoup plus rapidement le consommateur alors que le voyage à forfait pur et dur n’existe presque plus et que le client final ne connaît pas les distinctions entre un package classique et les prestations mises en place sur un portail Internet.

Il convient pourtant de ne pas s’alarmer trop tôt: la proposition en question ne devrait être traitée formellement qu’en 2025… Quant à la question de la responsabilisation des airlines, elle reste un vieux serpent de mer tant le lobby des compagnies est puissant auprès des milieux politiques, quand bien même ce sont les agences de voyages affiliées à un fonds de garantie qui paient pour couvrir des airlines qui ne le leur rendent pas.

Que faudrait-il changer dans cette fameuse Loi sur les voyages à forfait? Pour André Lüthi, il faudrait clarifier ce qui est protégé et ce qui ne l’est pas aux yeux du consommateur. En fait, ce dernier est protégé en cas d’insolvabilité de son partenaire contractuel. Cela change la donne et mérite un travail de fond en matière de communication.

Pour Sonja Laborde (TPA), on mélange dans ce discours la responsabilité et les fonds de garantie. La question reste: la Suisse devrait-elle à l’avenir absolument reprendre la directive de l’UE? Cette nouvelle directive sera-t-elle intégrable à la loi suisse? Les services de protection des consommateurs y seront de toute manière très attentifs. Nous avons une solution en Suisse qui fonctionne relativement bien, pourquoi reprendre absolument la directive au lieu de peaufiner la loi suisse existante en matière de prestations individuelles, par exemple? Une adaptation ponctuelle devrait donc être possible en Suisse, comme le démontre la motion Markwalder. Dixit André Lüthi.

A Parme d’ailleurs, une majorité des membres préfèrent une exception suisse sans attendre la directive européenne ou ne rien faire. Mais rien n’interdit des ajustements.

Le dilemme de la durabilité

Martin Nydegger, directeur de Suisse. Tourisme.

L’Incoming et l’Outgoing partagent beaucoup de points communs, même s’il n’est guère aisé de parler durabilité lorsqu’on aborde les voyages à l’étranger. Le directeur de Suisse Tourisme, Martin Nydegger, ne s’en est pas caché. Mais à l’inverse, les étrangers qui se rendent en Suisse génèrent aussi des déplacements susceptibles de remettre en question la durabilité de l’industrie touristique.

Le phénomène de rattrapage l’a prouvé: après la pandémie, les gens ont voulu rattraper le temps perdu, notamment en Europe où le secteur cartonne contrairement à l’Asie-Pacifique qui se relève plus lentement. Les températures influencent aussi les modèles de voyage, pas les voyages proprement dits. On constate à ce propos que trois ou quatre degrés de plus influencent le comportement des clients, avec des réactions diverses entre les régions.

En abordant cette thématique, Suisse Tourisme admet en toute transparence que le tourisme n’est pas l’activité la plus respectueuse en matière de durabilité. Mais il faut se baser sur les faits au niveau des émissions de CO2 des airlines et de la fréquentation internationale. Et s’il l’on cesse toute activité touristique, on ne génère plus les recettes à investir pour accmpagner la transition climatique.

D’où l’implication de Suisse Tourisme et, récemment de la FSV, dans le programme Swisstainable impliquant acteurs et entreprises en matière de durabilité.

(Dominique Sudan, Parme)