Avec la bénédiction de Kuoni (Edition 2007-40)

Dominique Sudan à propos de Railtour/Frantour

Ce qui était impensable à l’époque où Roger Rouvinez (Frantour) et René Keller (Railtour) se regardaient en chiens de faïence deviendra réalité: en Suisse romande, les deux TOs spécialisés vivront bientôt sous un même toit, celui de Frantour. Les circonstances, certes, ont évolué depuis que les deux marques sont dirigées par deux patrons ouverts et qu’elles sont devenues des filiales de Kuoni. Ce qui n’empêche qu’un certain «je t’aime moi non plus» reste perceptible.

Les deux TOs ont préféré la voie de la sagesse. Dans un segment (les intervilles) qui ne génère plus du tout les mêmes résultats depuis l’avènement des Low Cost, il convenait de le faire. Aussi bien Railtour que Frantour doivent réduire leurs coûts tout en maintenant sur le marché deux marques crédibles et un haut degré de qualité de service. Ce rapprochement est d’autant plus aisé que les concurrents d’antan ne le sont plus vraiment. Sentant le vent tourner dans les intervilles, les deux ont développé d’autres axes à l’image du balnéaire pour Frantour (Les sables), des week-ends en amoureux ou des trains d’aventures pour Railtour.

C’est sans doute vrai qu’un tel rapprochement des équipes n’aura pas d’influence sur le client final ni sur le réseau de distribution: en fonction de ses origines et de sa mentalité, le premier conserve une attirance claire pour l’une des deux marques bientôt réunies. Quant au second, il sait que les modèles de commissionnement, cumulés chez les agences agréées Kuoni, ne changeront pas, que Railtour soit à la gare de Lausanne ou à Cornavin.

Alors que Frantour conservera à Zurich une présence physique sur un marché où sa marge de progression est réelle, Railtour y renoncera puisqu’il ferme Lausanne. Là, une présence active sur le terrain gommera sans doute le déficit d’image que l’on peut craindre. Mais ce que l’on est en droit de craindre davantage, c’est le jeu joué par Kuoni dans ce rapprochement. Kuoni donne sa bénédiction mais ne communique pas. Pour l’extérieur, il laisse une grande marge de manœuvre à toutes ses filiales en termes de positionnement marketing et de program mation des destinations. A l’intérieur, il impose en revanche un diktat peu apprécié pour ce qui concerne la production: venant de tout en haut, l’ordre a été donné de jouer la carte internationale et d’imprimer l’ensemble des catalogues chez Winkowski, en Pologne. Une décision discutable au plan éthique puisqu’elle risque de condamner des imprimeries suisses tout en permettant à Kuoni de réaliser des économies de l’ordre de deux millions d’euros. Kuoni reprend donc d’une main ce qu’il donne de l’autre.

Dans la conjoncture actuelle, Railtour et Frantour ont sans doute pris la bonne décision: collaborer intelligemment et ne pas se concurrencer stupidement. Car rien n’indique que Kuoni ne cherche pas à mettre la pression sur ses deux filiales «ferroviaires» afin de diviser pour mieux régner.