Le fair-play fout le camp (Edition 2008-06)

Dominique Sudan à propos de Swiss/Lufthansa

Du jamais vu: en quelques jours seulement, la Suisse, l’Allemagne et
l’Autriche attaquent le duo aérien Swiss/Lufthansa dans une
«Déclaration des fédérations» argumentée et limpide. La nouvelle
structure tarifaire imposée unilatéralement au marché a mis le feu aux
poudres:
la branche ne passera pas sous le joug «allemand» de Swiss
International Air Lines et de sa protectrice d’outre-Rhin. Dans leur
déclaration, les cinq fédérations rappellentformellement que leurs
membres ne serviront pas de monnaie d’échange entre les GDS et les
compagnies
aériennes. C’est simple à comprendre: les agences exigent des tarifs
aériens identiques pour tous les canaux de distribution; elles ne
veulent pas non plus être les otages de négociations stériles entre les
airlines et les GDS et le font savoir haut et fort. En fait, la branche
recherche un vrai partenariat et aspire à un jeu fair-play. On est loin
du compte. Avant Noël, les agences de voyages de l’AVP avait donné le
ton: elles renonçaient officiellement à faire le jeu d’EasyJet qui
s’ouvrait aux GDS pour le Business Travel mais frappait les
réservations d’une taxe variable par coupon. Visionnaire, l’AVP
craignait alors un précédent. La Fédération donnait quelques jours
après les mêmes recommandations à ses membres. Or, en refusant de
vendre EasyJet, les agences de voyages soutenaient directement les
compagnies aériennes traditionnelles. Pour une modeste taxe de huit
francs par coupon, ces dernières ont préféré de ne pas s’en souvenir.
Et d’ailleurs, la direction de Swiss a été jusqu’à affirmer «qu’il lui
est égal que les agences signent ou non le contrat Preferred Fares» qui
leur sera proposé jusqu’àla fin juin.

Les agences ne brandissent pas encore la redoutable arme appelée
«shifting». Au contraire, elles restent ouvertes au dialogue car
différentes solutions existent. Mais il est évident que si
Swiss/Lufthansa n’aboutit pas dans ses négociations avec les GDS,
l’atmosphère deviendra pesante. Surtout à Genève où les passagers
seraient doublement pénalisés si Swiss mettait sa menace à exécution le
1eroctobre.

Comme elles l’ont fait en décembre, les agences pourraient alors
changer leur fusil d’épaule et ouvrir localement les vannes à EasyJet
qui détient plus de 30% de parts de marché. Elles pourraient aussi
jouer avec la multitude d’accords de codeshare où Swiss n’est pas le
transporteur. Là, les dégâts seraient considérables.