Reprise: les coûts plus rapides que les voyages

Les auteurs du BTN Corporate Travel Index 2022 n’excluent pas un schéma perpétuel de reprise au ralenti.
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Alors que l’on parle régulièrement d’un monde «post-Covid», Elizabeth West, directrice du groupe de rédaction du portail BTN Group, s’interroge sur la possibilité que les voyages d’affaires restent coincés dans un schéma de reprise au ralenti pour toujours.

Le BTN Group prépare actuellement l’édition 2022 de son indice sur les coûts des voyages d’affaires (Corporate Travel Index). Et il semble ressortir un constat: les coûts progressent bien plus vite que la reprise des voyages.

Des signes de détente partout

L’Afrique du Sud, avec deux villes dans l’indice, a été parmi les premières à passer par le variant Omicron. Le pays a levé la plupart des restrictions liées au Covid en février. Le Royaume-Uni, qui couvre cinq villes de cet indice, a levé la semaine dernière toutes les restrictions de voyage et les documents de voyage liés à la Covid-19.

La France a suspendu l’obligation de se faire vacciner pour entrer dans le pays pour les voyageurs américains (bien qu’un test négatif soit toujours exigé) ; elle a également suspendu le certificat de vaccination pour entrer dans les restaurants et les espaces culturels.

L’Allemagne a également levé les restrictions de voyage pour les voyageurs de l’espace Schengen et pour les pays tiers «verts», bien qu’une vaccination ou la preuve d’un test négatif soit toujours exigée. Le Canada, qui compte cinq villes dans l’index, n’exige plus de tests PCR pour entrer sur son territoire.

En Amérique latine, le nombre de cas est en baisse depuis le pic enregistré au début de l’année 2022. La plupart des voyages d’affaires dans la région continuent d’être effectués à l’intérieur du pays, mais le rythme s’accélère avec l’émergence des voyages d’affaires internationaux.

Lors d’une conférence sur l’industrie du voyage en Amérique latine ce mois-ci, Olivier Ponti, vice-président de la société Forward Keys chargé des informations sur les voyages, a prévu que les voyages d’affaires reviendraient à au moins 70% de leur niveau pré-pandémique d’ici la fin du deuxième trimestre.

Il a noté que la demande active de voyages de loisirs remplissait déjà les avions et attirait les voyageurs internationaux sur le marché, entraînant une reprise plus rapide et des tarifs hôteliers plus élevés que ce que la plupart des analystes avaient prévu à ce stade. La plupart des marchés d’Amérique latine exigent toujours une preuve de vaccination et de test pour entrer dans le pays.

Reprise domestique aux USA

De même, les États-Unis exigent toujours une preuve de vaccination et un résultat de test négatif pour que les voyageurs internationaux puissent entrer dans le pays, mais les voyages d’affaires intérieurs reprennent après avoir franchi l’obstacle omicron au début de 2022.

Depuis la deuxième semaine de janvier 2022, l’ARC (Airlines Reporting Corporation) a enregistré dix semaines consécutives de gains séquentiels pour les réservations de vols des agences de voyages d’affaires. Les réservations pour la semaine se terminant le 16 janvier sont tombées à seulement 34% des niveaux de 2019, mais ont ensuite augmenté régulièrement pour atteindre 61% des volumes de 2019 pour la semaine se terminant le 13 mars.

Les États-Unis réduisent également les restrictions des gouvernements locaux. Hawaii – le dernier des 50 États à laisser expirer son mandat sur les masques – est prêt à le faire le 25 mars. Et il se pourrait que dans un avenir proche, les masques ne soient plus obligatoires dans les avions et les transports publics basés aux États-Unis. L’industrie américaine du voyage saura le 18 avril si le gouvernement fédéral prend cette décision.

Dans la région Asie-Pacifique

Les marchés d’Asie-Pacifique assouplissent également les restrictions. L’Australie, qui a mis en place pendant près de 100 semaines des règles Covid parmi les plus restrictives au monde, a commencé à accueillir les voyageurs internationaux vaccinés depuis février.

La Nouvelle-Zélande a prévu d’ouvrir ses frontières plus progressivement jusqu’en octobre. La Corée du Sud lèvera son obligation de quarantaine pour les voyageurs internationaux entrants le 21 mars. Le Japon, qui a fermé ses frontières aux voyageurs pendant l’omicron, a prévu d’assouplir certaines restrictions le 1er avril, notamment pour les étudiants et les voyages d’affaires à court terme. Les règles restent toutefois complexes.

Un nouveau variant en vue?

Un nouveau variant «furtif» de l’omicron Covid-19 est à l’origine de taux d’infection élevés dans la région APAC, ce qui avait déjà incité la région à la prudence au moment de la mise sous presse. La Chine, qui continue de suivre une politique stricte de zéro-covid, est au milieu de sa pire épidémie depuis que la Covid a fait son apparition à Wuhan.

Bien que les taux de cas par habitant semblent faibles par rapport à d’autres pays, la Chine a confiné 37 millions de personnes dans 21 provinces et municipalités du pays, y compris les grands marchés comme Pékin, Shanghai et Shenzhen. Hongkong s’efforce de contenir une cinquième vague et compte actuellement 300’000 résidents en quarantaine chez eux.

Coûts de voyage plus élevés

La Covid-19 ne quittera donc pas la scène des voyages d’affaires en 2022. L’Europe, qui a été un indicateur avancé pour les États-Unis, a également vu les cas augmenter ces derniers jours. Reste à voir comment cela affectera les modèles et les volumes de voyages d’affaires. Les citoyens de nombreux pays occidentaux étant las de voir les gouvernements réglementer leurs déplacements, les autorités pourraient être réticentes à rétablir les restrictions et s’intéresseront probablement aux taux de vaccination, à la disponibilité des traitements et aux taux d’hospitalisation plutôt qu’aux taux de cas bruts pour déterminer les prochaines étapes.

Ce qui est clair, cependant, c’est que la demande de voyage est élevée. Les taux d’occupation des hôtels augmentent et, bien qu’ils n’aient pas atteint les niveaux pré-pandémiques sur la plupart des marchés, les tarifs hôteliers journaliers moyens ont presque atteint ces niveaux dans la plupart des régions – et dans certaines villes, ils ont largement dépassé les niveaux de 2019. Selon le Corporate Travel Index de BTN, à Copenhague, Dubaï, Londres, Miami, Paris et Sydney, les tarifs hôteliers réservés par les entreprises ont dépassé les sommets pré-pandémiques.

La société américaine d’immobilier commercial CBRE a commenté la nature atypique de la reprise de l’industrie hôtelière aux États-Unis, notant que le tarif des chambres est le moteur de la reprise, plutôt que le taux d’occupation. «Généralement, lorsqu’on se remet d’un ralentissement, la croissance [du taux journalier moyen] est en retard sur les gains en termes d’occupation», a déclaré Rachael Rothman, responsable de la recherche hôtelière et de l’analyse des données chez CBRE, dans un communiqué de décembre dernier sur les prévisions 2022. «La tendance s’est inversée ce cycle, en raison d’une forte demande de loisirs et d’une reprise naissante de la demande des entreprises et des groupes.»

Mais les moteurs de l’augmentation des tarifs hôteliers – et des autres coûts journaliers des voyages d’affaires – iront bien au-delà de la demande en 2022.

Des coûts en hausse par ricochet

Les problèmes de chaîne d’approvisionnement dans l’industrie automobile ont entravé la production de nouvelles voitures et ont eu un impact sur la disponibilité des véhicules dans les sociétés de location de voitures, dont beaucoup ont vendu leur ancienne flotte au début de la pandémie comme tactique de survie.

L’explosion de la demande de voyages en voiture, en particulier pour les loisirs, a fait grimper en flèche les prix de location de voitures et a mis les loueurs dans l’embarras pour trouver de nouveaux stocks. Avec le retour des voyages d’affaires, la concurrence sera plus vive pour s’emparer des voitures disponibles, et les sociétés de location pourraient se montrer plus sélectives quant à l’attribution des véhicules et aux tarifs.

Certains acheteurs ont indiqué aux chercheurs de BTN que les locations plus longues, qui deviennent plus rentables pour les sociétés de location en raison d’une demande de rotation moindre, ont été privilégiées. Les locations pour les voyages d’affaires ont tendance à être plus courtes. Cela dit, les tarifs préférentiels négociés ont peut-être protégé certains clients du secteur des voyages d’affaires des conséquences de ces difficultés de location de voitures. Du moins jusqu’à présent.

Les dirigeants d’hôtels, notamment lors des appels à résultats de l’automne dernier, ont commenté la pénurie de main-d’œuvre et le défi d’attirer à nouveau les travailleurs dans le secteur après les avoir licenciés pendant la pandémie. Augmenter les salaires pour attirer ces travailleurs est une stratégie évidente.

Le Bureau américain des statistiques du travail montre que le salaire horaire moyen pour le personnel des services d’hébergement en 2021 est passé de 15,60 dollars en janvier 2021 à 18,17 dollars en septembre. Et si les hôtels cherchent également à améliorer l’efficacité de leurs opérations, les salaires plus compétitifs continueront à faire augmenter les coûts en 2022.

Les retombées de la guerre en Ukraine

L’agression militaire russe en Ukraine a poussé les prix du pétrole à des sommets historiques, en particulier pour les marchés qui dépendent fortement des sources russes. Les effets des prix du pétrole peuvent avoir une grande portée sur les voyages et ne sont pas toujours évidents. En revanche, l’impact du pétrole sur les coûts du transport terrestre est clair. Lyft et Uber ont introduit des surtaxes sur le carburant aux États-Unis en mars, qui, selon les deux sociétés, seraient versées directement aux chauffeurs pour compenser la hausse des coûts du carburant que ces travailleurs doivent soudainement supporter pour faire leur travail. En Irlande, la National Transport Authority envisage d’augmenter le tarif maximum autorisé pour les taxis.

L’ombre d’une surcharge dans l’aérien

Les compagnies aériennes, bien sûr, sont très attentives aux prix du kérosène, qui ont doublé depuis le début de l’année 2022. Aux États-Unis, les transporteurs n’ont pas encore opté pour les surtaxes sur le carburant, mais plusieurs d’entre eux ont réduit leurs itinéraires et leurs capacités, comptant sur la réduction de l’offre pour faire grimper les tarifs.

À l’échelle internationale, le transporteur régional européen Loganair n’a «pas d’autre choix, d’un point de vue réaliste, que d’introduire une surcharge carburant sur les nouveaux billets vendus», comme l’indique son PDG Jonathan Hinkles. Air Asia Malaysia a annoncé de nouvelles surcharges ce mois-ci et Japan Airlines a augmenté ses prélèvements sur le carburant.

Des impacts à plus ou moins court terme

L’impact de la hausse des prix du carburant se fait sentir jusqu’à la distribution des aliments pour les restaurants et les fournitures nécessaires aux hôtels, aux sociétés de location de voitures et aux autres prestataires de services de voyage, ce qui entraîne une augmentation générale, parfois inattendue, des indemnités journalières pour les voyages d’affaires. Les entreprises doivent s’y préparer en 2022. Le calculateur Corporate Travel Index de BTN peut être consulté ici.

(Business Traveltip)