«MSC a débuté à Genève – Nous ne sommes pas ici pour des raisons fiscales»

Pierfrancesco Vago, Président exécutif de MSC Croisières, dans un grande interview accordée au magazine économique Bilan.
Pierfrancesco Vago. @zVg/màd

Pierfrancesco Vago, Président exécutif de la division croisières du groupe MSC, a accordé un intéressant entretien à la dernière édition du magazine économique  Bilan. Au sortir de la pandémie, les croisières ont en effet retrouvé la croissance. Dans ce secteur hautement compétitif, les enjeux sont majeurs, notamment dans le secteur environnemental. Extraits:

Qu’est-ce qui a changé dans votre modèle d’affaires à la suite du Covid?

Le monde a changé. Les dynamiques du passé ne sont plus là. Les gens avaient l’habitude de réserver longtemps à l’avance pour avoir un bon prix. Désormais, ils réservent au dernier moment. Et actuellement, avec l’inflation, le contexte est encore plus spécial. Sans oublier l’impact de la géopolitique. Les gens réservent toujours, mais les Américains ont tendance à rester aux USA et les Européens en Europe.

Quels enjeux cela représente-t-il pour vous?

Avant, nous avions des réservations plus d’une année à l’avance. Actuellement, nous ne sommes pas certains de remplir totalement la capacité des navires, nous nous situons plutôt vers 80% que vers 100%.

Mais d’un autre côté, le modèle des croisières est plus compétitif que d’autres secteurs de vacances. L’industrie des croisières a la capacité de trouver des synergies. On compense le manque à gagner par d’autres revenus.

Au terme de la pandémie, certaines destinations ont vu une fronde contre les paquebots. Comment le vivez-vous?

Le cas de Venise est particulier. Chez MSC, nous demandions depuis plusieurs années à faire escale à Marghera et non au centre-ville historique. Venise accueille chaque année 31 millions de visiteurs dont un million issu des croisières. Ce million génère 30% des retombées touristiques. C’est pourquoi les dirigeants locaux tenaient à ce que nous débarquions nos passagers en ville.

Nous avons insisté et, finalement, les navires e croisières vont désormais au terminal de Marghera… mais nous y avons été accueillis par des manifestants en canoë, alors qu’ils n’avaient jamais manifesté contre d’autres types de navires.

Autre sujet de préoccupation majeur: la hause du coût des matières premières…

Nous sommes affectés comme tout le monde, mais nous parvenons à atténuer la hausse. Avec notre taille, nous pouvons réaliser des économies d’échelle. Nous achetons pour la flotte complète tant les biens alimentaires que les hydrocarbures. Cette année, nous allons servir 35 millions de repas, cela nous donne une marge pour négocier des volumes, atténuer les impacts de l’inflation et réduire les effets sur le ticket du client.

Avec ces tensions et au sortir de la crise liée au Covid, une consolidation est-elle à prévoir?

Nous sommes fiers d’être une entreprise familiale. Nous avons une vision sur le long terme avec, notamment, un fort engagement environnemental.

Actuellement, le monde change constamment: pandémie, guerre défis environnementaux, seule une entreprise familiale a la capacité de faire face durablement et de s’adapter rapidement. Je n’ai pas à convaincre des actionnaires, c’est un avantage. Cela va avec la tendance du secteur: nous aurons à adopter de nombreuses technologies pour minimiser nos émissions. Les vacances que nous proposons sont fantastiques pour les clients, mais le vrai futur de ce secteur est dans la technologie environnementale.

Ma vision n’est pas prendre le contrôle d’une autre entreprise, mais de proposer à mes clients de meilleurs navires avec de meilleurs équipements, à tous points de vue.

Que faudrait-il pour accélérer la transition écologique?

Je veux dire aux gouvernants de nous donner les moyens de réaliser cette transition. Au lieu d’avoir une vision harmonisée, nous voyons des initiatives qui vont dans tous les sens. Ne pourrions pas réunir tous les acteurs autour d’une table et discuter?

Nous premier navire fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL), en cours de construction aux Chantiers de l’Atlantique, à Saint-Nazaire, sera livré cet automne. Ce sera également le premier navire de croisières au monde à être équipé d’une pile à combustible, afin de tester cette technologie. Compte tenu de nos liens étroits avec la France, nous avons cherché à travailler avec des acteurs locaux. Nous avions conclu un accord avec le CEA Tech et le groupe Vinci, mais ceux-ci ont fini par se retirer après dix mois.

Cela m’a terriblement déçu que l’Europe ne soit pas en mesure de s’approprier ce type de technologie novatrice et que nous devions nous tourner vers les USA pour trouver un interlocuteur.

L’Europe a décidé que d’ici à 2035 tous les terminaux seraient électrifiés. D’ici à cinq ans, les deux tiers de la flotte de croisière mondiale auront la capacité d’être branchés à quai. Toutefois, actuellement, seul 0,6% des ports européens sont équipés. Il faut aussi que l’électricité soit verte. Nous demandons aux gouvernements de s’engager dans cette voie.

Quelles sont les perspectives pour le siège suisse de MSC Croisières?

MSC a débuté à Genève, nous ne sommes pas une entreprise venue ici pour des raisons fiscales. Nous avons grandi ici, pour les croisières comme pour le reste du groupe.

La division croisières emploie 350 personnes en Suisse. Nos effectifs s’élevaient à 100 personnes voilà dix ans. D’ici à 2025, 200 nouveaux engagements sont prévus avec, des aujourd’hui, plus de 30 postes ouverts.

(Bilan/adaptation DS)