«Une sensibilisation importante des airlines sera mise en oeuvre en matière de bruit»

Genève Aéroport se félicite de l’adoption de la fiche PSIA par le Conseil fédéral. Il doit aussi gérer la problématique des nuisances sonores. Entretien avec André Schneider, directeur général.
André Schneider, Directeur général de Genève Aéroport. Photo: GVA

André Schneider, vous parlez d’un «pas historique» franchi. En quoi est-il historique?

Il est aussi historique car ce texte est le résultat d’années de travail, de discussions, de travaux et d’échanges entre les parties impliquées: la Confédération par le biais de notre régulateur, l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC), le canton de Genève et Genève Aéroport. Ce cadre est important, car il définit la suite, nous permet d’agir, d’avoir un cadre pour nos investissements. Il amène de la sécurité pour tous les partenaires ainsi que pour les voisins de l’aéroport en proposant d’abord un plafonnement et après une réduction du bruit. Il est historique car c’est la première fois que cette fiche PSIA (Plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique) est écrite et adoptée par le Conseil fédéral pour Genève Aéroport, alors que les autres aéroports ont ces fiches depuis un certain temps. Nous sommes satisfaits de ce résultat.

La fiche PSIA prévoit 236 000 mouvements d’avions d’ici 2030 contre 193 000 aujourd’hui. Cette estimation est-elle fondée lorsqu’on voit que votre croissance cette année se maintient aux alentours de 2%?

La fiche, qui se veut un cadre jusqu’en 2030, se base sur les prévisions d’Intraplan pour avoir une vision de la situation en 2030. Mais cette vision n’est ni un objectif ni une volonté de Genève Aéroport. De ce fait, la fiche est là pour poser un cadre. Pour répondre à votre question à propos des chiffres de 2018, nous estimons en effet que la croissance pour 2018 du nombre de passagers va être de l’ordre de 2% ou moins, et la croissance des mouvements sera encore plus faible, elle sera en recul de l’ordre de 1,5 et 2%. Ceci montre finalement la différence entre une prévision et la réalité, qui nous invite aussi à revalider ces hypothèses d’année en année pour nos projets d’infrastructure.

Au niveau de l’infrastructure, quels seront les investissements prioritaires ces prochaines années?

Il a déjà entamé certains travaux pour améliorer les flux dans le hall principal. Les chantiers de l’aile Est et du nouveau tri des bagages, aussi en cours, doivent être également poursuivis et menés à terme. Cela représente des investissements de l’ordre de 850 millions jusqu’en 2022. La deuxième phase des travaux vise à poursuivre l’amélioration continue des infrastructures de Genève Aéroport, pour qu’elles soient à la hauteur de l’attente de nos passagers. Cette phase est encore plus ambitieuse. Là, il s’agira de reconfigurer et agrandir le terminal principal et la rénovation des satellites. Il y aura aussi l’amélioration des flux d’avions sur le tarmac.

Vous parlez d’investir CHF 180 millions par année d’ici 2030. Comment?

Nous continuons de nous financer nous-même en faisant appel à des emprunts obligataires, comme nous avons fait l’année passée avec un excellent résultat.

Le document parle aussi de réduction des nuisances sonores. Comment y parvenir concrètement?

Les mesures envisagées afin de maîtriser l’évolution de l’exposition au bruit, pour que l’exposition au bruit s’inscrive dans le cadre de la courbe de bruit à moyen terme fixée dans la fiche PSIA, consistent notamment à agir sur les décollages retardés en fin de soirée. À cette fin, une sensibilisation importante des compagnies et des mesures opérationnelles pour privilégier les départs à l’heure en début de soirée seront mises en oeuvre. En outre, un système plus rigoureux de gestion des décollages retardés après 22 heures sera étudié et mis en oeuvre si cela s’avère nécessaire, une fois ce système validé par l’OFAC dans le cadre d’une procédure administrative déterminante. En parallèle nous allons inciter les compagnies aériennes de remplacer leurs avions par des modèles avec moins d’émission de bruit pour pouvoir amorcer la réduction de l’impact du bruit.

La prise de position de «Carpe» est très précise à ce sujet. Ses demandes sont-elles applicables? Craignez-vous des recours?

Cette fiche PSIA est le résultat d’une consultation et représente déjà une solution de compromis. Il n’y a donc pas de voies de recours contre la fiche PSIA elle-même. Ce document est le fruit d’un travail conjoint de coordination entre tous les services fédéraux concernés et tous les services cantonaux compétents, ainsi que l’exploitant de l’aéroport. Tous ces services ont fait valoir les intérêts des citoyens à travers les politiques publiques dont ils sont en charge. Ces intérêts ont été arbitrés au cours de près de 20 séances de coordination. Pour ce qui est des demandes de «Carpe» et des demandes des voisins en général, nous sommes toujours ouverts à les recevoir et cherchons à y répondre le mieux possible, dans le cadre qui est le nôtre et dans ce qui est possible de manière réaliste, au vu des nombreuses contraintes existantes. Et il est aussi important de remarquer que finalement «Carpe» ne reconnait pas vraiment l’effort de la réduction de la courbe de bruit et de ce fait demande d’autres mesures, qui seront finalement en doublon avec l’évolution de la courbe de bruit proposée dans le PSIA.

Pensez-vous vraiment qu’un pilotage démocratique, comme dit «Carpe», soit une piste sérieuse?

Genève Aéroport est une instance publique qui répond à une réglementation et à un cadre extrêmement précis, au niveau fédéral, lui-même dépendant de réglementations européennes. La gouvernance de Genève Aéroport par le canton, en tant qu’entreprise publique autonome, est elle aussi clairement définie dans la loi. Nous avons des représentants de tous les partis du Grand Conseil dans notre conseil d’administration et des communes voisines, sommes audités et souvent appelés à présenter des informations à certaines commissions du Grand Conseil, et sommes appelés à une grande transparence, ce que nous offrons bien volontiers.

Dans un autre registre, Genève Aéroport comme celui de Zurich ont vivement critiqué lundi la consultation ouverte par l’OFAC sur les redevances aéroportuaires. Concrètement, que reprochez-vous aux décisions de l’OFAC?

Actuellement, le calcul des redevances se fait sur la base du recouvrement des coûts liés à l’activité aéronautique, montant auquel contribue une part des revenus non aéronautiques. Le projet de nouvelle ordonnance mise en consultation imputerait une part considérablement plus importante des revenus non aéronautiques au financement des activités aéronautiques. Cela aurait pour conséquence de limiter de façon significative les capacités d’investissements de Genève Aéroport dans le futur. C’est évidemment un enjeu capital au vu de nos besoins en investissements. Mais nous participerons bien sûr à la consultation et ferons part de notre position auprès de l’OFAC.

Dominique Sudan